Politique de l'Autruche

La bataille du Vexin contre l’industrie cimentière [N°2]

– « Avez-vous déjà entendu parler du projet d’extension d’une carrière de calcaire à quelques kilomètres de votre lycée, à Brueil-en-Vexin ? »

– « … »

Personne n’opine du chef. Les lycéens restent impassibles, silencieux. Nous sommes dans la classe de Terminale L du lycée Condorcet à Limay, au nord de Mantes-la-Jolie (78, Yvelines). Les quelque 35 élèves préparent le bac. Le prof de philo, M. Pioline, explique ce qui se trame à quelques kilomètres de chez eux : « Calcia, une grande boîte de l’industrie cimentière veut ouvrir une nouvelle carrière de calcaire pour alimenter la cimenterie que vous connaissez, à Gargenville. Beaucoup d’habitants et d’élus s’y opposent. Ça soulève des questions importantes sur l’écologie. »

– « Ah ouais, c’est elle [la cimenterie] qui nous dépose la poussière partout », répond du tac-au-tac une élève.

Au premier rang, un autre lycéen embraye : « On a envie de s’intéresser mais au fond on n’en parle pas trop au lycée. Y’a que ce que nous disent les médias qu’on connaît… ». La classe acquiesce discrètement.

– « C’est vrai… Je m’aperçois qu’on n’a jamais abordé ces sujets en classe, c’est une vraie objection que vous me faites là. » reconnaît M. Pioline.

Et pourtant, voilà un projet qui mérite l’attention. Résumons : depuis 1921, le Mantois – à une quarantaine de kilomètres à l’ouest de Paris – est un territoire central dans l’excavation du calcaire et la production du ciment dans l’Île-de-France. L’entreprise cimentière française Calcia, depuis un siècle, exploite trois carrières dans la région.

La dernière en date, ouverte au début des années 1970 sur la commune de Guitrancourt, est épuisée depuis quelques mois. Depuis 1995, Calcia fait des pieds et des mains pour obtenir le permis d’extension de la carrière de Guitrancourt sur des terres agricoles du village de Brueil-en-Vexin, dans la vallée de la Montcient. Le calcaire excavé permettrait de continuer à alimenter la cimenterie, la dernière de la région, à quelques kilomètres.

Calcia est triplement implantée dans le Mantois : les carrières d’un côté, la cimenterie de Gargenville de l’autre et son siège social à Guerville, qui emploie 370 personnes. Racheté en 2016 par l’allemand HeidelbergCement, le groupe devient alors le deuxième producteur mondial de ciment.

Le projet va sommeiller jusqu’au début des années 2010. Puis des phases de sondages des sols sont relancées. Alimentation des programmes de construction du Grand Paris oblige, argue le cimentier… Sur une surface initiale de 74 hectares (appelé Zone 109), au sud du parc naturel régional du Vexin, la zone d’exploitation s’étendrait au fil des décennies sur trois communes supplémentaires pour atteindre une surface maximale de 550 hectares (soit plus de la moitié de la superficie de bois de Vincennes) et une excavation de 700 000 tonnes de calcaires par an pendant près d’un siècle.

Une industrie destructrice

Philippe, opposant historique au projet et membre du collectif local c100fin, nous amène sur un petit chemin sinueux. Nous traversons quelques épineux et enjambons un barbelé : « C’est par excellence un projet d’un autre temps : pollution de l’air dans une zone urbaine très peuplée, pollution des nappes phréatiques pour excaver le calcaire, poursuite d’une industrie cimentière énergivore et obsolète pour des infrastructures inutiles, c’est de la folie ».

Dans un périmètre de 6 kilomètres autour de la cimenterie de Gargenville , il n’y a pas moins de 18 communes et plusieurs dizaines de milliers d’habitants. « Les pollutions sont importantes pour nous, d’autant plus que la cimenterie dépasse les valeurs limites d’émissions. Elle n’est plus en conformité depuis 2015 selon la Direction régionale et interdépartementale de l’environnement et de l’énergie (DRIEE) » poursuit Philippe.

Sans proposer un résumé exhaustif, les nuisances induites par le projet d’extension sont nombreuses : destruction de terres agricoles de grande qualité, pollution de la nappe phréatique due au creusement à plusieurs dizaines de mètres de profondeur pour excaver le calcaire, défiguration du parc naturel régional du Vexin, destruction d’emplois ruraux et touristiques, frénésie productiviste…

Mais Calcia affirme répondre aux besoins en ciment de la région stimulés par le Grand Paris et les Jeux Olympiques de 2024 (logements, infrastructures sportives, métros, nouvelle piste de l’aéroport de Roissy). Des besoins qui devraient augmenter de 20 % d’ici 2030. Un argument que remet en cause Pierre Bellicaud, ingénieur et membre de l’Association vexinoise de lutte contre les carrières cimentières (AVL3C) : « Stable depuis plusieurs années, la capacité de production totale de ciment en France est d’environ 27 millions de tonnes par an, nous en produisons et consommons entre 16 et 17 millions et en exportons 2 à 3 millions. Nous n’avons pas à augmenter notre capacité de production avec une nouvelle carrière, elle est déjà surcalibrée 1 ! »

D’autant plus que nous avons affaire, avec le ciment, à une industrie destructrice à de nombreux égards. Les besoins en énergie de l’industrie cimentière pour excaver le calcaire (et l’argile), chauffer les fours (de 1 400 à 2 000°C), transporter la matière, en fait l’une des industries les plus polluantes qui soient. « Si l’industrie cimentière était un pays, elle serait troisième sur le podium des émetteurs avec 7 à 8 % des émissions mondiales de CO2 » écrit le doctorant Nelo Magalhães 2.

Confrontation entre la majorité et quelques potentats locaux

Face à la pression installée par les opposants 3 au projet depuis des années, le Conseil de la Communauté urbaine de l’agglomération Grand Paris Seine & Oise (GPS&O) vote, en septembre 2018, contre l’extension de la carrière : 67 voix contre, 42 pour. C’est la surprise.

Et un revers important pour les édiles locaux, de Pierre Bédier (président de la Communauté urbaine), à Philippe Tautou (président du Conseil général des Yvelines) en passant par Valérie Pécresse (présidente de la région Île-de- France), et le Ministère de la Transition « écologique et solidaire », de Hulot à Borne en passant par de Rugy, tous fervents soutiens de Calcia.

Mais il leur en faut plus ! En juin 2019, l’État délivre au cimentier le permis exclusif d’exploitation de la carrière. Il s’assoit par là même sur la vote de la Communauté urbaine. La colère éclate chez les opposants. La mobilisation s’intensifie. Le 6 et 7 juillet 2019 s’organise dans le Vexin un week-end de rencontre autour du projet, où s’opère une jonction avec des Gilets jaunes, présents à cette occasion 4.

Dans les mois qui suivent, la pression ne fait que monter. Les recours judiciaires se multiplient, le tribunal administratif de Versailles ordonne une nouvelle expertise et reconnaît par la même occasion que les études d’impact ont été bâclées. Enfin, en octobre 2019, le Conseil de Paris se positionne contre le projet. Significatif mais pas décisif.

Notre dépendance à l’emploi

Le 17 décembre 2019 les choses basculent : Calcia annonce aux autorités le transfert d’une grande partie de son siège social de Guerville à Nanterre. 250 emplois quitteraient les Yvelines pour les Hauts-de-Seine dans le courant de l’année 2020. « Les soutiens politiques indéfectibles à l’extension de la carrière sont furax » témoigne avec un brin de malice Dominique Pélegrin, présidente de l’AVL3C.

Il y avait pour Phillippe Tautou de la Communauté urbaine et Pierre Bédier du département un contrat tacite : soutien au projet = maintien des emplois. Ils y voient une trahison : « Ce sont des patrons voyous. » assène Bédier… Le préfet des Yvelines, Jean- Jacques Brot qui signait en juin l’autorisation d’extension, lui, voit rouge : « Pour Calcia, il n’y a pas de contradiction à quitter Guerville tout en maintenant son projet de carrières dans le Vexin. Pour nous, tout est lié » déclarait-il au Parisien début janvier 2020. Un départ qui priverait, le département d’un million d’euros de recettes annuelles, en plus des emplois perdus.

En jaune : périmètre de la nouvelle carrière. En bleu : ancienne carrière de Guitrancourt

 

Mais il y a plus ! Subitement les potentats allument leurs quinquets : « Ils nous enlèvent l’emploi mais ils nous laissent les nuisances », fulmine Bédier en réunion publique début janvier.  « Nous acceptons les nuisances de la cimenterie de Gargenville dans le but de préserver les emplois et ensuite, le groupe décide de partir ! » dénonce Tautou. « Dans ces conditions, plus personne ne croit en la parole de Calcia, notamment en matière environnementale. », s’indigne Pécresse dans la presse parisienne, « il fallait au départ mettre en balance les conséquences environnementales du projet avec le bénéfice territorial, mais aujourd’hui la question est tranchée. Le bilan est négatif d’un point de vue social et environnemental ». Elle prend parti pour la première fois dans cette affaire et annonce son opposition à l’extension de carrière.

Les termes de « nuisances », de « bilan négatif d’un point de vue environnemental » et la réalité qu’ils recouvrent avaient été mis sous le tapis jusque-là par ces figures politiques locales. Subitement, l’extension de la carrière se qualifie en des termes qui n’avaient alors jamais été prononcés. La réalité destructrice de la carrière est enfin avouée. D’autre part, ce potentiel de nuisance écologique , le « bilan environnemental » selon le langage technocratique, ne peut être accepté et compensé que par un « bilan social positif » : misère de l’équation, équation de la misère.

 

Carrière de calcaire à Guitrancourt épuisée en 2019, photo G. Libot

 

C’est un épisode révélateur pour Dominique Pélegrin : « Pour quelques centaines d’emplois, ils sont prêts à poursuivre une industrie polluante en tout point ». La course à l’emploi se révèle avoir la fonction de dernière digue de soutien à des projets écologiquement destructeurs. Et Bédier le dit clairement : « J’ai toujours privilégié l’emploi dans une région qui souffre d’une insuffisance d’emplois et d’une désindustrialisation accélérée. » Cela revient à dire qu’entre l’emploi et l’écologie, il faut choisir : ces deux pôles sont mis en opposition alors qu’ils pourraient – qu’ils devraient – marcher ensemble.

Le 16 janvier, Pierre Bédier fait voter à une écrasante majorité par la Communauté urbaine le retrait de la zone d’exploitation de la carrière du Plan local d’urbanisme (PLU). Un premier pas dans la bonne direction qui doit se concrétiser par l’annulation du projet par le ministère de l’écologie, soutiennent les opposants sur place.

Au delà des luttes locales, repenser la production

Depuis les années 1970, le Mantois suit la dynamique structurelle du capitalisme et connaît une très forte désindustrialisation (transport, production d’énergie pour le BTP, automobile), suivie d’une tertiarisation de l’économie. Par exemple, l’usine Renault de Flins, qui employait 20 000 personnes à la fin des années 1960, n’en emploie aujourd’hui pas plus de 5 000. « Pierre Bédier n’a pas vraiment compris qu’il fallait passer à autre chose que la grande industrie, il n’est pas à l’aise avec l’idée de développer des PME [Petites et moyennes entreprises] de quelques employés » analyse Dominique Pélegrin.

Philippe, du collectif c100fin, poursuit : « Paris a seulement quelques jours d’autonomie alimentaire… Il faut arrêter avec cette carrière qui ne nous donne aucune autonomie. Nous avons plus que jamais besoin de recréer une ceinture agricole en région parisienne, et là, c’est comme à Gonesse, ils veulent détruire des terres arables d’excellente qualité pour un monde tout béton ».

Le coup de théâtre de Calcia de déplacer une partie de son siège dans les Hauts-de-Seine fin décembre 2019 et la volte-face des politiciens qui s’en suit peuvent sembler anodins. Ils permettent pourtant de mettre en lumière une fois de plus un fait fondamental pour les luttes écologistes présentes et à venir : dans un certain nombre de cas, la dernière force à laquelle se heurteront les opposants locaux à des grands projets inutiles, sera la dépendance des collectivités locales et des élus à l’emploi, symptôme d’une dépendance structurelle de notre société au travail. Pour préserver quelques emplois, dont il ne faut pas nier qu’ils permettent à certains de survivre, tout devient possible. La nature est objectivée dans un odieux rapport coût/bénéfice qui justifie sa mise à sac.

Pour élargir ces luttes locales, il semble plus nécessaire que jamais de coupler aux luttes écologistes locales, une remise en question fondamentale de notre monde. C’est-à-dire de remettre en question notre mode de production, la Sainte Trinité « emploi-croissance-profit », le monde des grandes infrastructures, le monde de l’étalement urbain et de la métropolisation, de la course en avant du productivisme et de l’industrie, pour y favoriser un mode de vie et de production forcément local et nécessairement plus agricole.

Comment penser une fin à notre dépendance au travail sous le capitalisme ?

Entretien avec Bernard Friot

En complément de cet article, une réflexion plus théorique sur les leçons qui peuvent être tirées de la lutte contre l’extension de la carrière de calcaire dans le Parc régional du Vexin en questionnant un point particulier : comment penser la fin de notre dépendance au travail sous le capitalisme ? Pour ouvrir des pistes de réflexions et d’actions, nous donnons la parole à Bernard Friot, économiste et sociologue du travail. Ses travaux portent sur la sécurité sociale et plus généralement sur les institutions du salariat nées au XXe siècle en Europe. Benard Friot milite pour un nouveau régime de propriété (la propriété sociale d’usage), pour un « salaire à vie » et se bat pour reconnaître à tous un statut de producteur.

 

Le Chiffon : Le revirement d’un certain nombre d’élus locaux suite à l’annonce du cimentier Calcia de déplacer son siège social à Nanterre n’est pas anecdotique. Il semble illustrer avec éclat que leur soutien au projet d’extension de carrière, était tacitement conditionné au maintien des emplois. « Faites ce que vous voulez, pourvu qu’il y ait de l’emploi à la clé et la rentrée d’argent qui avec », semblent une fois de plus dire ces élus. Qu’est-ce que cela dit de la dépendance de notre société à l’emploi ?

Bernard Friot : Il est tout à fait légitime que les collectivités locales se préoccupent de la vitalité de l’activité de production, qu’elle soit industrielle, agricole ou de services : c’est le gage que les services publics seront pérennes, et que sera évitée la recherche d’un salut artificiel dans le tourisme. Mais elles n’ont pas les moyens d’une telle ambition et doivent céder au chantage de groupes capitalistes qui mettent en concurrence les territoires.

Tant que les industriels étaient liés à un territoire, intérêt local et profit capitaliste étaient partiellement conciliables : on sait tout le parti qu’ont su tirer les mairies communistes de la taxe professionnelle, et notamment les villes ouvrières de la sidérurgie qui ont pu largement investir grâce à la taxe que payait l’industrie, dans des équipements culturels et sportifs. Cette époque est finie avec la mondialisation du capital.

Il faut maintenant conquérir la propriété des outils de production par des acteurs locaux non lucratifs qui auront tout intérêt à leur maintien sur place : le salut des territoires passe nécessairement par la fin de la dépendance au capital.

Ne voit-on pas avec ces événements, la nécessité pour les luttes écologistes d’articuler à la résistance locale une refondation plus globale de notre manière de produire, de répartir l’activité, de distribuer la richesse ?

On s’aperçoit très vite que lutter contre la carrière Calcia sans lutter pour une tout autre production du bâti et plus généralement pour un tout autre Grand Paris présente deux risques. D’une part le problème de la pollution pourrait simplement être déplacé sur un autre territoire qui accueillera la carrière.

D’autre part, la Communauté Urbaine Seine & Oise, même sans la carrière, continuerait à s’inscrire dans la logique folle de métropolisation capitaliste de l’Île-de-France, avec ciment à tout va, spéculation foncière et immobilière, absurde concentration de la localisation des entreprises, éloignement des équipements culturels ou de santé, disparition de terres agricoles, surdimension de la voirie du fait de la distance croissante entre travail et domicile et de l’inadaptation des transports publics aux trajets de la vie quotidienne, pollution croissante, etc.

Vous essayez de réfléchir à l’extension du modèle de la sécurité sociale par l’idée de « sécurité sociale sectorielle ». Que pourraient nous apporter ces propositions ?

Il s’agit d’étendre à d’autres productions ce que nous avons su faire en matière de soins dans les années 1950-70 grâce à la création du régime général de sécurité sociale en 1946 : le doublement du taux de la cotisation-santé entre 1945 et 1979 a permis de produire des soins (sauf hélas le médicament) à hauteur de 10% du PIB en dehors de la logique capitaliste, avec des équipements financés par subvention de la caisse-maladie (gérée de 1947 à 1967 par les intéressés) et des personnels fonctionnaires ou libéraux conventionnés avec la caisse.

Imaginez le tout autre destin pour le Vexin et ses habitants que rendrait possible la transposition de cette innovation à l’habitat, aux transports de proximité, à l’alimentation, à l’énergie, à l’accès à l’art et à la culture, pour m’en tenir à ces exemples qui ne sont pas exhaustifs. Chacun verrait sa carte vitale alimentée chaque mois de sorte qu’il puisse couvrir tout ou partie de ses besoins dans ces domaines.

Des cotisations interprofessionnelles allant à des caisses gérées par les intéressés permettraient d’alimenter la carte, qui ne pourrait être utilisée qu’auprès de professionnels conventionnés, comme c’est le cas aujourd’hui en matière de soins. Et ne seraient conventionnées bien sûr que des entreprises possédées par leurs salariés, ne se fournissant pas auprès de groupes capitalistes, pratiquant le bio, l’écoconstruction, les énergies renouvelables, des modes de transport alternatifs à l’automobile.

Et comme la production non capitaliste de logement, d’équipements de transports, d’alimentation n’est pas encore suffisante, une partie des sommes gérées par les caisses de ces nouvelles sécurités sociales serait utilisée pour faire du foncier un bien commun, pour subventionner des investissements qui seraient décidés et possédés par les citoyens, pour attribuer un salaire à la qualification personnelle à tous les travailleurs conventionnés de ces branches.

Il faut arracher au capital la production de notre quotidien, et pour cela pas besoin d’inventer l’eau chaude : avec le régime général de sécurité sociale, nous disposons d’une institution à « désétatiser » pour la confier à nouveau aux seuls intéressés comme elle l’a été pendant 20 ans, et à généraliser à toute la production.

Le think tank britannique Autonomy a publié un rapport en 2018 épluché par le Guardian, sur le lien entre travail et destruction écologique. Autonomy affirme que l’effort de la Grande-Bretagne pour se maintenir à une échelle mondiale à 2°C de réchauffement en 2100, devrait réduire le temps de travail par travailleur à 9h par semaine. Au-delà de la redéfinition d’une autre manière de travailler et de produire, ne faut-il pas chercher à réduire drastiquement le temps de travail ?

C’est au contraire la réduction drastique du temps de travail pour remplacer le travail vivant par le travail mort des machines qui est constitutive du capitalisme et qui nous mène à une impasse écologique absolue ! Jamais le temps de travail agricole n’a été aussi réduit en France et jamais la production d’aliments n’y a été aussi capitaliste et aussi destructrice de la nature.

Réduire le temps de travail de transport du courrier en remplaçant les lettres par des courriels augmente l’empreinte écologique au lieu de la diminuer comme le laisse entendre le terme de « dématérialisation » frauduleusement appliqué à une numérisation incroyablement consommatrice de métaux rares et d’énergie, véritable fuite en avant capitaliste dans l’élimination du travail vivant.

Lutter pour la réduction du temps de travail n’est pas en soi un geste écologique.

Il ne faut pas confondre richesse et valeur. La richesse, c’est l’addition des produits du travail concret : tonnes de fruits produites, millions de km/voyageurs transportés, nombre de jeux vidéo construits ou d’infractions au code de la route sanctionnées. Cette richesse doit considérablement diminuer si nous voulons maintenir notre lien à la nature. Et elle peut l’être sans réduction de notre bonheur, car une grande partie de notre richesse ne sert à rien ou est dangereuse (un tiers de la production alimentaire est jeté, il faut des quantités de pommes industrielles pour obtenir la qualité nutritive d’une seule pomme bio, tous les objets capitalistes sont à obsolescence programmée, le pouvoir entretient une armée de gendarmes pour chasser les migrants ou la BAC pour casser du manifestant, etc).

La valeur, elle, mesure le travail vivant mis en œuvre : c’est le PIB (Produit intérieur brut). Lui va au contraire augmenter car pour produire moins mais mieux il faudra beaucoup plus de travail vivant, mais un travail enfin libéré de la tutelle du capital. Aujourd’hui, l’enjeu est une nécessaire décroissance de la richesse, qui n’est pas incompatible avec une croissance de la valeur.

Reportage et entretien de Gary Libot pour Le Chiffon

Photo de Une > Marches du 6 décembre 2015 en zone 109. Crédit : AVL3C

Photo 2 > Panneau installé sur le périmètre prévu pour l’extension de la carrière. Crédit : Gary Libot. 

Photo 3 > Carrière de calcaire à Guitrancourt épuisée en 2019. Crédit : Gary Libot. 

Photo 4 > Portrait de Bernard Friot. 

 

  1. Lire [en ligne] : www.infociments.fr/chiffres-cles
  2. Son article publié dans la revue Terrestres, est une très bon résumé sur la situation de l’industrie cimentière en France et dans le monde. À Lire : www.terrestres.org/2019/09/11/accumuler-de-la-matiere-laisser-des-traces/
  3. L’AVL3C recense sur sa page Facebook la liste des opposants : « 50 élus des communes du Vexin, du Parc Vexin Français, du président de la Fédération des Parcs Nationaux Régionaux, plusieurs députés et sénateurs des Yvelines, plusieurs députés Européens, la communauté urbaine GPS&O, le Conseil de Paris, la Région Ile-de-France, EELV, FRANCE Nature Environnement, la Chambre d’Agriculture, les Fédérations Paysannes & Agricoles, de nombreux Associations & Collectifs et la majorité de la population locale du Vexin »
  4. Vous pouvez retrouver un résumé vidéo du week-end sur le site : c100fin.fr, rubrique « vidéothèque Zone 109 ».

Une réflexion sur “La bataille du Vexin contre l’industrie cimentière [N°2]

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