La Courneuve, pre­miers jours d’automne ensoleil­lés. Une quin­zaine de per­son­nes sont réu­nies dans une grande coloc’ située dans l’ancienne plaine maraîchère des Ver­tus. La bouil­loire fume : l’eau chaude pour le café est prête. Dans le jardin exigu bor­dé de noisetiers et de fram­boisiers tail­lés, les par­tic­i­pants se présen­tent tour à tour : c’est le début de qua­tre jours de chantiers com­muns avec, pour thème, une énig­ma­tique : « Démé­trop­o­li­sa­tion par le bas ». Le but affiché ? « Se réu­nir pen­dant plusieurs jours entre fer­miers, uni­ver­si­taires ou anciens étu­di­ants, milieux asso­ci­at­ifs et per­son­nes en sit­u­a­tion d’exil » énumère Nathalia, anci­enne étu­di­ante à l’École des hautes études en sci­ences sociales (EHESS), « pour faciliter l’installation des exilés — bien sou­vent sans-papiers — qui voudraient vivre dans des cam­pagnes de France et d’Île-de-France pour men­er des activ­ités pro dans les secteurs agri­coles et arti­sanaux ». Une pre­mière dans la région1.

Ces journées sont co-organ­isées par une con­stel­la­tion de groupes : en pre­mière ligne, l’Asso­ci­a­tion Accueil Agri­cul­ture Arti­sanat (A4), fondée en 2021, qui accom­pa­gne des per­son­nes avec un par­cours de migra­tion voulant dévelop­per une activ­ité agri­cole ou arti­sanale ; les col­lec­tifs FRICHE et les Com­mu­naux, dont l’objectif est de favoris­er des pra­tiques d’habitation et des formes de coopéra­tions alter­na­tives aux insti­tu­tions éta­tiques et marchan­des ; enfin, les « Chantiers pluri-ver­sités » de repris­es des savoirs, lancés à l’été 2022, dont le but est la trans­mis­sion de pra­tiques et de savoirs paysans dans un esprit d’autogestion.

                                          Notre-Dame-des-Lan­des, lors d’un voy­age-enquête d’A4. Pho­to : William Loveluck.

Pour Tarik, ancien étu­di­ant de Paris 8 et mem­bre fon­da­teur d’A4, l’enjeu de l’installation d’exilés dans les cam­pagnes français­es dans les prochaines années est immense. D’une voix calme, les lunettes lui glis­sant sur le bout du nez, il explique : « En 2030, la moitié des agricul­teurs de la région aujourd’hui en activ­ité seront par­tis à la retraite, il y a un besoin urgent d’organiser la relève. Et puis, nous sommes entrés dans une crise cli­ma­tique qui néces­site de repenser la place de l’agriculture indus­trielle au prof­it d’une agri­cul­ture paysanne qui néces­site plus d’humains. Enfin, nous con­nais­sons une mon­tée de l’extrême droite qui rend urgent de bris­er l’entre-soi ».

Depuis un an, A4 organ­ise des voy­ages-enquêtes de quelques jours dans des fer­mes français­es. « Le but, c’est de dia­loguer avec des agricul­teurs qui sont intéressés pour nous accueil­lir. On veut décou­vrir leurs besoins, leurs inten­tions, pour ensuite penser à tra­vailler chez eux ou même à repren­dre leur ferme. Parce que cer­tains nous dis­ent qu’ils vont par­tir en retraite et que per­son­ne n’est là pour pren­dre la suite » déclare Sem­bala, exilé malien de 28 ans, et mem­bre de l’association.

« Ce qu’on veut construire ces dernières années s’apparente à des luttes qui ont plusieurs décennies d’histoire »

Par­ti de son vil­lage à 14 ans pour rejoin­dre l’Italie après une tra­ver­sée de la Méditer­ranée depuis l’Algérie, son par­cours est sin­guli­er. Arrivé en France en 2014, Sem­bala va con­naître six années de galère, à la rue. En sep­tem­bre 2020, il par­ticipe à la Marche des sans-papiers qui relie Mar­seille à Paris. Des mil­i­tants ren­con­trés dans le cortège lui par­lent de la Zone à défendre (ZAD) de Saclay (lire le reportage du Chif­fon, ici). « Depuis 2021, dit-il avec le sourire, j’ai con­stru­it ma cabane là-bas grâce à des copains de Bour­gogne chez qui j’ai habité avant ». C’est à ce moment qu’il ren­con­tre des mem­bres d’A4 et par­ticipe aux pre­miers voy­ages-enquêtes. En août 2022 il décide de par­tir trois semaines, via A4, à Tarnac (19) dans le Lim­ou­sin, pour par­ticiper à des tâch­es de cui­sine, de maraîchage et de boulan­gerie. « C’était vrai­ment trop bien. Main­tenant j’ai envie de tra­vailler la terre – je con­nais mal – com­pren­dre com­ment ça marche et voir si je veux me lancer là-dedans ou alors dans la boulangerie ».

L’après-midi s’enchaîne par la dif­fu­sion du doc­u­men­taire récem­ment sor­ti « Les Voix croisées2». Le doc­u­men­taire revient notam­ment sur les heurs et mal­heurs de l’expérience de la coopéra­tive agri­cole de « Somanki­di Coura », fondée en 1977 au Mali, par d’anciens exilés en France retournés au pays et voulant expéri­menter des modes de cul­ture de la terre sans machine. Une expéri­ence alors tout à fait mar­ginale. Pour Habib, exilé soudanais d’une trentaine d’années, lui aus­si mem­bre d’A4 : « C’est impor­tant de voir que ce qu’on veut con­stru­ire ces dernières années s’apparente à des luttes qui ont plusieurs décen­nies d’histoire. Mais en même temps, en la décou­vrant, je me suis dit qu’on est tou­jours dans les mêmes galères depuis les années 1970 ».

                                      Sem­bala aux côtés d’habi­tants de la ZAD de Notre-dame-des-Lan­des. Pho­to : William Loveluck.

Habib quant à lui décide de quit­ter le Soudan en 2012, à cause d’activités poli­tiques lorsqu’il étu­di­ait à l’université (« ma vie com­mençait à être en jeu »). Arrivé en France après des mois d’un pénible périple, il cherche à rejoin­dre Calais pour l’Angleterre. Impos­si­ble de franchir la Manche pen­dant neuf mois de ten­ta­tives infructueuses ; c’est là qu’il ren­con­tre des mil­i­tants de No Bor­der3, qui lui con­seil­lent de rejoin­dre la ZAD de Notre-Dame-des-Lan­des (44), qu’il va aller décou­vrir. Sa demande d’asile rejetée, il décide de rester sur place. « J’ai com­mencé à con­naître des agricul­teurs, des gens en cam­pagne : ils me demandaient des coups de main pour de la soudure », activ­ité très recher­chée à laque­lle il est for­mé. De 2016 à 2020, il va œuvr­er dans la fab­ri­ca­tion de fours à pain. Sa ren­con­tre de mem­bres d’A4 à l’été 2021 vient répon­dre à une aspi­ra­tion déci­sive pour lui.

« Au Soudan, beau­coup pensent que l’agriculture est dif­fi­cile. Générale­ment, nos par­ents nous poussent à des études pour qu’on ne souf­fre pas comme eux… les jeunes ne veu­lent plus tra­vailler dans la cul­ture de la terre. Nos familles se deman­dent pourquoi on ne fait pas autre chose. Il ne com­pren­nent pas que ce qu’on fait par néces­sité au bled, on le fait par choix ici » pour­suit Habib, qui aimerait s’investir à fond dans l’essor de l’association et, à terme : « repar­tir au Soudan et pourquoi pas lancer un lieu col­lec­tif avec pra­tiques arti­sanales et paysannes. Ce serait superbe ! » clame-t-il, le regard ferme et les com­mis­sures des lèvres qui s’ouvrent sur un sourire.

Des fermes en Île-de-France pour accueillir les exilés ?

Ferme de Com­breux. Seine-et-Marne. Myr­i­am Suchet, habi­tante de la ferme et maître de con­férences à la Sor­bonne nou­velle, fait décou­vrir aux par­tic­i­pants du chantier ce lieu de vie au sud de Tour­nan-en-Brie (77). « La ferme de Com­breux, c’est un col­lec­tif com­posé à la fois des habi­tants qui vivent sur place mais ne cul­tivent pas et des cul­ti­va­teurs qui n’habitent pas sur place… Ici, on veut ouvrir un hori­zon qui dépasse la seule reprise des ter­res agri­coles : on veut aus­si éla­bor­er de nou­veaux rap­ports à la famille, à la péd­a­gogie, expéri­menter d’autres imag­i­naires en actes. Nous avons en par­ti­c­uli­er des rap­ports étroits avec nos voisins exilés et l’as­so­ci­a­tion Empreintes qui les accueille ».

La dimen­sion agri­cole est assurée par Thibaud et Jus­tine, instal­lés en GAEC pour le maraîchage, Mélanie pour les fruits et Bastien, paysan-boulanger qui, en 2021, a récupéré 60 hectares de sur­face agri­cole rachetées par l’as­so­ci­a­tion Terre de liens. Por­tant sa fille dans les bras, il nous pro­pose un tour du pro­prié­taire : « De la cul­ture du blé à la cuis­son du pain, je veux faire toutes les activ­ités pour réalis­er un pain », au terme de la vis­ite il annonce : « penser à met­tre à dis­po­si­tion une par­tie des 60 hectares, pourquoi pas à des exilés pour y faire de l’a­groé­colo­gie ou autre ? ».

L’après-midi s’enchaîne par la décou­verte de la ferme des Monts gardés sur la com­mune de Claye-Souil­ly (77). Cein­turé par les routes, le chemin de fer et des lignes à haute ten­sion, cet ancien site de 35 hectares se retrou­ve au milieu des années 2000 par­ti­c­ulière­ment pol­lué et infer­tile. En 2006, un pro­jet expéri­men­tal d’agroforesterie, d’élevage et de maraîchage est lancé par la paysag­iste Agnès Sour­ris­seau. « C’était une mis­sion de dépol­lu­tion sur des ter­res presque com­plète­ment mortes » annonce-t-elle en nous accueil­lant sous un chapiteau de for­tune dont la toile claque sous le coup des bourrasques.

                                           A la ZAD de Notre-dame-des-Lan­des en novem­bre 2022. Pho­to : William Loveluck.

Aujourd’hui, seule une petite par­tie des 35 hectares, divisés en 200 par­celles, est cul­tivée. « Il faudrait trou­ver des forces vives pour cul­tiv­er ces ter­res. C’est pour ça que la venue des par­tic­i­pants à ce chantier pluri-ver­si­taire tombe très bien », annonce Agnès Sour­ris­seau, qui con­cède que les con­di­tions sur place sont assez rudes — mais stim­u­lantes, pour qui veut appren­dre différemment.

D’ailleurs, côté appren­tis­sage, Agnès Souris­seau par­ticipe depuis sep­tem­bre 2022 à l’ouverture du pre­mier lycée agri­cole entière­ment dédié à l’agroécologie, qui délivre un Cer­ti­fi­cat d’ap­ti­tude pro­fes­sion­nelle (CAP) et un Bac pro. Les cours sont à Sevran (93), la pra­tique est basée dans une vaste ferme de 2 000 hectares, dans le parc région­al du Gâti­nais (91). « Ceux qui sont inscrits pour les 3 ans du Bac pro peu­vent alors obtenir des papiers » ajoute-t-elle.

Un enjeu impor­tant pour A4. Selon Alitzel, mem­bre grenobloise de l’association : « On réflé­chit à ce que l’asso’ puisse avoir un statut juridique qui lui per­me­tte d’organiser l’installation durable d’exilés pour des boulots agri­coles ou arti­sanaux, manière aus­si de les régu­laris­er admin­is­tra­tive­ment ». Une pos­si­bil­ité est ouverte via les Organ­ismes d’accueil com­mu­nau­taires et d’activités sol­idaires (OACAS). Un statut juridique excep­tion­nel lancé par les com­mu­nautés de « tra­vailleurs sol­idaires » d’Emmaüs en France (plus de 120) qui accueil­lent près de 5 000 per­son­nes, dont la moitié de sans-papiers. Recon­nu en 2008, ce mod­èle est devenu depuis un agré­ment pour une ving­taine d’associations4.

L’accès à la terre des sans-pap’ : mission impossible ?

Pour Tarik : « Les fer­mes en lien avec A4 sont pour l’instant peu nom­breuses en Île-de-France, ce qui fait que celles de Com­breux et des Monts Gardés sont pré­cieuses. Tout le boulot de mise en rela­tion reste à faire ». Un tra­vail déjà entamé en France par le Ser­vice jésuite des réfugiés (JRS France), l’asso­ci­a­tion Tero Loko, le réseau CIVAM mais aus­si par le pro­gramme « WWOOF­ing Sol­idaire », créé en 2019.

Cette mise en rela­tion s’avère d’autant plus pré­cieuse que l’accès à la terre pour des per­son­nes ne venant pas du milieu ressem­ble à un chemin de croix5 . Pour William Loveluck, chargé de recherche et d’analyse pour Terre de liens : « Ceux qui ne sont pas social­isés dans ce milieu n’ont pas accès à l’information en cas de trans­ac­tion de sur­faces agri­coles. Dans le cas de trans­fert de pro­priété, la can­di­da­ture d’A4 auprès de la Safer, en présen­tant des pro­fils bien sou­vent sans diplôme agri­cole, ne pèserait pas lourd ». D’où l’intérêt selon lui que l’Association A4 monte une coopéra­tive de tra­vail agri­cole, et que Terre de liens mette à dis­po­si­tion des ter­res dont elle serait propriétaire.

La semaine d’échange se clôt au « lab­o­ra­toire artis­tique » du DOC (XIXe), par la dif­fu­sion du doc­u­men­taire « D’égal à égal6», qui retrace le voy­age-enquête d’A4 en févri­er 2022 sur la mon­tagne lim­ou­sine : « Avec ce docu’, on voulait cass­er l’idée de la cam­pagne comme ter­ri­toire hos­tile pour les exilés » développe Tarik. Une démarche qui vient se téle­scop­er à l’actualité. Car Emmanuel Macron a annon­cé, dans son dis­cours aux préfets du 15 sep­tem­bre 2022, vouloir dévelop­per pour le futur pro­jet de loi « asile et immi­gra­tion », qui sera présen­té début 2023 :« Une poli­tique pro­fondé­ment dif­férente de répar­ti­tion sur le ter­ri­toire des femmes et des hommes qui sont en demande de titre [de séjour], et y com­pris de celles et ceux qui les ont reçus ». Son idée ? Implanter ces per­son­nes en cam­pagne pour lut­ter con­tre deux maux : le dépe­u­ple­ment des ces dernières et l’entassement dans les ban­lieues. Une bonne nou­velle pour A4 qui se voit couper l’herbe sous le pied ?

Pour Tarik, il s’agit d’une fausse bonne inten­tion : « Il y a un principe fon­da­men­tal pour nous : c’est la lib­erté de cir­cu­la­tion. Si les per­son­nes avec un par­cours de migra­tion veu­lent s’installer en ville ou en cam­pagne, qu’elles soient libres de le faire. Avec Macron, on les forcerait à s’installer en cam­pagne — comme on le fait déjà avec l’ouverture de Cen­tres d’ac­cueil de deman­deurs d’asile (CADA) en cam­pagne depuis 2015 -, elles ne pour­raient pas quit­ter leur départe­ment et s’installer ailleurs sous peine de per­dre leurs droits, et c’est déjà le cas aujourd’hui ».

Nic­co, cheville ouvrière des chantiers pluri-ver­sités, abonde : « La ques­tion n’est pas de penser la ges­tion de la crise migra­toire depuis la hau­teur du point de vue éta­tique comme le fait Macron. Lui est dans une logique de loge­ment. Nous, on souhaite leur laiss­er le choix et que leurs activ­ités pro­fes­sion­nelles et sociales s’encrent à chaque fois dans un milieu de vie avec ses spé­ci­ficités : c’est une logique d’habitation bien plus large ». Qui plus est, ajoute Tarik, « Macron, par cette mesure, a peut-être l’idée de fournir une main d’œuvre corvéable pour l’agro-industrie en cam­pagne » dans un con­texte post-covid où le pre­mier con­fine­ment a vu une pénurie de main d’œuvre dans ce secteur.

Pour une révolution de la « subsistance »

La semaine suiv­ante, nous retrou­vons Nic­co dans un bar au bord du canal de l’Ourcq7. Il nous racon­te que le col­lec­tif de « repris­es des savoirs », qui a organ­isé ce chantier de « démé­trop­o­li­sa­tion » en a aus­si lancé plusieurs autres à l’été 2022, générale­ment à l’affiche baroque et séduisante : « Creuser une mare à grenouille con­tre la métro­pole », « Activ­er les savoirs nat­u­ral­istes au ser­vice des luttes », « Écolo­gie poli­tique d’une vanne à moulin » ou encore « Savoir/faire avec la nature, explo­rations écofémin­istes ». Le sweat à capuche hissé sur les oreilles, Nic­co explique : « L’idée de ces chantiers auto­gérés c’est que les savoirs soient le résul­tat d’une expéri­ence de vie com­mune et qu’ils met­tent en activ­ité à la fois le corps et l’esprit ». Et de pour­suiv­re : « Notre hori­zon de reprise des savoirs s’inscrit dans une cri­tique de l’institution sco­laire qui crée une hiérar­chie entre enfant et adulte et atteste de l’assimilation d’un con­tenu par un diplôme. Il y a des expéri­ences qui ont ren­ver­sé ce cadre au XXe siè­cle : l’Université de la Terre au Mex­ique, cer­taines écoles berbères en Algérie et de l’Espagne répub­li­caine ou l’Université expéri­men­tale de Vin­cennes ». C’est dans cette tra­di­tion qu’il souhaite inscrire ces chantiers.

« C’est notamment la métropole qui empêche cette autonomie des populations »

Selon lui, la cri­tique du dis­posi­tif sco­laire doit s’articuler à une ligne d’action poli­tique plus générale : « Nous sommes dans un con­texte de mul­ti­ples crises : migra­toires, sco­laires, du tra­vail, du loge­ment, de la paysan­ner­ie. Trop sou­vent, ces crises sont pen­sées séparées les unes des autres. Il y a la lutte des sans-papiers, la lutte éco­lo avec les march­es pour le cli­mat, la lutte syn­di­cal­iste pour le tra­vail, etc. Notre ambi­tion, c’est de dépass­er cette sépa­ra­tion à par­tir d’une pra­tique de la sub­sis­tance » c’est-à-dire de pren­dre en charge à l’échelle de petites com­mu­nautés la sat­is­fac­tion des besoins de la vie quo­ti­di­enne (se loger, manger, se vêtir, se cul­tiv­er, etc.).

« C’est notam­ment la métro­pole qui empêche cette autonomie des pop­u­la­tions ». En plus de cette dépos­ses­sion, Nic­co tient à soulign­er la dimen­sion colo­niale de la métro­pole parisi­enne, qui a his­torique­ment aspiré des « colonisés de l’intérieur » venus des régions français­es et des « colonisés de l’extérieur » notam­ment venus d’Afrique. « Démé­trop­o­lis­er » nos vies, c’est alors agir con­tre la dépos­ses­sion de nos savoir-faire, de notre cul­ture et de nos capac­ités de sub­sis­tance : « Tout ce dont souf­frent avant tout les exilés. C’est pour ça que nous devons nous organ­is­er pour faciliter le chemin de ceux qui aspirent à cette vie ».

Gary Libot, jour­nal­iste pour Le Chif­fon

Pho­to de Une — Lors d’un voy­age-enquête d’A4 à la ZAD de Notre-dame-des-Lan­des en novem­bre 2022. Sem­bala aux côtés d’habi­tants. Pho­to : Abra­ham Cohen.

 

A Meudon, sous la Colline des Bril­lants, dite encore colline Rodin du fait de la présence du musée qui la sur­plombe, se trou­ve un triple tré­sor : géologique, his­torique et esthé­tique. La car­rière Arnaudet, du nom de la rue où se trou­ve son entrée actuelle, est con­sti­tuées de près de huit kilo­mètres de galeries souter­raines, mesurant jusqu’à 10 mètres de haut, reliées entre elles sur 3 niveaux par d’im­posants piliers. De véri­ta­bles cathé­drales souter­raines, avec voûtes en plein cin­tres et croisées d’o­gives. Un site unique au monde.

Réu­nion du con­seil munic­i­pal du 30 juin 2022. Le pro­jet de comble­ment des car­rières est le pre­mier point à l’or­dre du jour. Je retrou­ve devant la mairie les opposants à ce pro­jet. Une cen­taine de per­son­nes, représen­tant la trentaine d’as­so­ci­a­tions mobil­isées (dont Le col­lec­tif Arnaudet-Meudon, Vivre à Meudon, Sites et Mon­u­ments…) Alors que des élus de la minorité munic­i­pale doivent lire un texte d’op­po­si­tion, les policiers munic­i­paux inter­dis­ent au pub­lic l’en­trée à la mairie, arguant du manque de place. Après des protes­ta­tions et l’in­ter­ven­tion d’un élu d’opposition, quelques per­son­nes sont finale­ment accep­tées. Mais la dis­cus­sion sur le sujet est déjà close.

Il ne reste aux par­tic­i­pants au rassem­ble­ment qu’à se con­tenter d’un dossier de presse munic­i­pal1 qui leur a été dis­tribué, con­fir­mant le comble­ment de 45% des car­rières, et se van­tant de la sécuri­sa­tion et de la mise en valeur des 55% restant. Selon ce doc­u­ment, le pro­jet envis­age : « L’amé­nage­ment d’un parc pub­lic à l’aplomb de la car­rière classée » qui per­me­t­tra de « met­tre en rela­tion : la mai­son et l’Ate­lier du sculp­teur Rodin de renom­mée inter­na­tionale, une pro­gram­ma­tion artis­tique et événe­men­tielle dans les galeries de la car­rière, un site géologique, témoignage de la ren­con­tre du pat­ri­moine artis­tique et sci­en­tifique ». Cette présen­ta­tion alléchante est con­sid­érée par cer­tains opposants comme fal­lac­i­euse, voire men­songère. C’est l’avis de Mag­da­ley­na Lab­bé, coor­di­na­trice des asso­ci­a­tions, qui déclare : « Il est pos­si­ble de met­tre en sécu­rité les car­rières de beau­coup de manières dif­férentes : on pour­rait les con­solid­er de manière tra­di­tion­nelle avec des maçon­ner­ies, ce qui per­me­t­trait de per­me­t­tait de préserv­er 100% du site ». C’est bien là l’un des enjeux de la mobil­i­sa­tion. Pour bien le com­pren­dre, un retour en arrière s’avère néces­saire, jusqu’aux orig­ines de ces lieux.

Une longue histoire aux multiples facettes

Les car­rières de Meudon sont des témoins vis­i­bles de l’évo­lu­tion géologique de la région parisi­enne depuis une soix­an­taine de mil­lions d’an­nées. La craie exploitée s’est for­mée vers la fin de la péri­ode qu’on appelle de ce fait le Cré­tacé, il y a de cela 75 mil­lions d’an­nées. C’est le seul endroit d’Île-de-France où un tel phénomène est vis­i­ble. Du point de vue his­torique, c’est tout un pan de l’his­toire indus­trielle, ouvrière et agri­cole de la ban­lieue parisi­enne qui som­meille dans ces tré­fonds. L’ex­ploita­tion des car­rières de craie a com­mencé en 1872. Un rap­port des mines de 1885 souligne l’exceptionnel régu­lar­ité et la pré­ci­sion de l’exploitation. Comme le rap­pelle l’un des prin­ci­paux opposants au pro­jet, François de Vergnette, maître de con­férence en his­toire de l’art, la craie extraite, le fameux « Blanc de Meudon » : « Se retrou­vait dans l’ar­chi­tec­ture pour enduire les façades, pour faire de la chaux hydraulique, pour four­bir les métaux, pour la craie des écoliers ». 

En 1895, séduit par la vue dégagée sur la boucle de la Seine, Auguste Rodin s’installe au som­met de la colline dans une vil­la qu’il fait agrandir, tout comme le parc alen­tour. Vien­nent alors des arti­sans liés aux activ­ités du sculp­teur : env­i­ron 50 d’en­tre eux y offi­cient en 1900. À la mort de Rodin en 1917, sa pro­priété est légué à l’État, ce qui explique que le min­istère de la Cul­ture pos­sède env­i­ron 20% des car­rières située en sous-sol. L’ex­ploita­tion de la craie a cessé dans les années 20, mais elle laisse un héritage ines­timable. Les car­ri­ers, sûre­ment par goût du tra­vail bien fait, ont comme peigné la pierre d’une chevelure de stries suiv­ant les formes et les courbes qu’ils tail­laient, créant ain­si un monde hors du monde, pétri­fié, creusé de galeries voûtées d’autant plus puis­santes et déli­cates qu’elles sont nées d’un respect pro­fond pour le site.

Vien­nent alors les champignon­nistes, qui cul­tivent les fameux champignons de Paris et amé­na­gent une par­tie des kilo­mètres de galeries pour cette agri­cul­ture souter­raine, sans porter préju­dice au site. Pen­dant la guerre de 39–45, les Alle­mands déci­dent d’y installer une usine d’armement. Les ouvri­ers réqui­si­tion­nés pour cette tâche rava­lent des voûtes, instal­lent l’électricité, tout cela avec l’ex­trême lenteur causée par la résis­tance pas­sive aux ordres de l’en­ne­mi : les travaux ne seront jamais ter­minés, mais ils auront con­tribué à l’amélio­ra­tion de la sécu­rité et de l’esthé­tique des lieux. Les dernières champignon­nières fer­ment en 1974 et dans les années 1980 s’in­stal­lent des arti­sans et des artistes dont les sculp­teuses Hélène Vans et Agnès Brac­que­mond. La mairie sou­tien alors ces artistes, leur loue des espaces, et cela jusqu’à la péri­ode récente où ce sou­tien leur a été retiré, net­toy­age du site oblige2.

Des tentatives de bétonnage à répétition

Alors, posons-nous la ques­tion : cette urgence à combler les galeries n’est-elle pas la par­tie immergée d’un pro­jet plus vaste, un habituel pro­jet de béton­nage, une opéra­tion de pro­mo­tion immo­bil­ière sur un ensem­ble de ter­rains situés idéale­ment en belvédère sur la Seine. Une telle éven­tu­al­ité ne date pas d’hi­er : ce fut la volon­té des munic­i­pal­ités suc­ces­sives de béton­ner la colline.

Cela se man­i­fes­ta de manière évi­dente lors de l’élaboration du Plan d’Oc­cu­pa­tion des Sols (POS) de 1982, la munic­i­pal­ité souhai­tant trans­former le secteur en Zone d’aménagement con­certé (ZAC), dite ZAC Arnaudet. Ce pro­jet prévoy­ait la con­struc­tion de tours d’habi­ta­tion. Après une lev­ée de boucliers des Affaires Cul­turelles, cette pre­mière ten­ta­tive d’aménagement a été aban­don­née. En 1986 on a abouti à un classe­ment des car­rières par le min­istère de l’En­vi­ron­nement en tant que « site sci­en­tifique et artis­tique ». Ce classe­ment sera suivi d’une inscrip­tion à l’inventaire nation­al du pat­ri­moine géologique et le site sera con­sid­éré comme pat­ri­moine inter­na­tion­al selon les critères du Muséum Nation­al d’His­toire Naturelle. Il s’ag­it de la seule crayère d’Île-de-France à être classée, les seules autres situées en France étant les crayères de Cham­pagne, qui sont inscrites au pat­ri­moine mon­di­al de l’Unesco.

Mais la munic­i­pal­ité ne renonça pas pour autant et plusieurs pro­jets s’enchaînèrent, dont un avec Bouygues en 1990, envis­ageant le con­struc­tion de 800 loge­ments : un pro­jet annulé par la jus­tice en 1993 du fait de sa trop grande den­sité. Dans le même temps, le site sus­ci­tait un intérêt nou­veau : des vis­ites furent con­duites par des asso­ci­a­tions locales, comme Vivre à Meudon3, qui firent décou­vrir la beauté prenante des lieux, en par­ti­c­uli­er à l’oc­ca­sion des Journées du Patrimoine.

Une seule solution, le comblement !

Face aux annu­la­tions suc­ces­sives des pro­jets d’amé­nage­ment et à l’in­térêt nou­veau qu’à sus­cité le site, l’ar­gu­ment du dan­ger d’ef­fon­drement va peu à peu pren­dre toute la place, et à cela tous les exem­ples sont bons : à la fin du 19e siè­cle, quelques effon­drements se sont pro­duits dans les car­rières de craie des Mon­talets, situées à 800 mètres plus à l’ouest, puis au nord de la colline sur Issy-les-Moulin­eaux, affaisse­ments aujourd’hui bran­dis en épou­van­tail, tout comme le rap­proche­ment fait par la mairie avec l’ef­fon­drement de Cla­mart en 1961, qui a rayé de la carte tout un quarti­er et provo­qué la mort de 21 per­son­nes. Un rap­proche­ment totale­ment infondé, les con­di­tions d’ex­ploita­tion et de sécuri­sa­tion des car­rières de Cla­mart étant tout à fait dif­férentes de celles de Meudon. Un épou­van­tail bran­di pour faire peur ?

En 2012, la mairie reçoit un ren­fort de poids : la direc­tion de l’Inspection Générale des Car­rières (IGC) attire l’attention « sur la dan­gerosité poten­tielle des car­rières sus­cep­ti­bles de s’effondrer spon­tané­ment ». Dans la foulée, le maire de Meudon prend des arrêtés de péril sur toutes les par­celles de la car­rière. De leur côté, les pro­prié­taires des maisons con­stru­ites en amont de la colline deman­dent une étude à Vin­cent Mau­ry, expert inter­na­tion­al recon­nu en mécanique des roches. Son bilan con­clut qu’il « n’a pu être con­staté aucune trace de sin­istre ancien ou récent dans les zones soumis­es aux arrêtés de péril con­cernées par notre mis­sion ». La mairie con­fie alors à l’INER­IS (Insti­tut nation­al de l’Environnement Indus­triel et des Risques), une énième étude4 , réal­isée en numéri­sa­tion 3D, donc abstraite et sim­pli­fiée. Ses résul­tats, ren­dus en 2017, majorent les phénomènes aggra­vants les risques tout en mino­rant les aspects posi­tifs, dont la tenue impec­ca­ble de la car­rière depuis son creuse­ment. Cette étude con­sid­ère que les piliers de sou­tien n’offrent pas la sta­bil­ité req­uise pour assur­er la sécu­rité à long terme et pro­pose deux méth­odes pour y remédi­er : soit ren­forcer les dits piliers, soit procéder au comble­ment. C’est cette deux­ième l’op­tion qu’à mis en avant la mairie, et cela a de quoi interroger.

Ici on comble, là on ne comble pas

D’autres anci­ennes car­rières de craie exis­tent à Meudon, dont celle des Mon­talets, dont la sur­face est urban­isée depuis longtemps. La sécu­rité publique martelée à Arnaudet n’est jamais évo­quée sur les autres sites souter­rains de la ville, sur lesquels des con­struc­tions ont été effec­tuées sans que cela sem­ble présen­ter le moin­dre dan­ger. L’évocation d’un péril imper­cep­ti­ble à l’œil nu évo­qué sur Arnaudet n’est pas entend­able lorsqu’on laisse des mil­liers de gens vivre sur ce genre de vide, sans que ça sem­ble pos­er de problème.

A con­trario, la com­mune voi­sine d’Is­sy-les-Moulin­eaux a entre­prit la réha­bil­i­ta­tion de ses car­rières, per­me­t­tant à des entre­pre­neurs privés d’y amé­nag­er un grand nom­bre d’équipements. Dans les crayères de Mon­tquarti­er, ce sont des caves pri­v­a­tives et le stand de tir des Pis­toliers d’Auteuil, alors que dans celles du Chemin des Vignes s’est instal­lé le restau­rant Issy Guinguette, du chef Yves Legrand. Des choix dont on peut con­tester la per­ti­nence, mais qui mon­trent que d’autres amé­nage­ment sont possibles.

 

« Depuis quand peut-on envisager de « valoriser » des déchets de chantier dans un site classé ? » Magdaleyna Labbé

 

Mal­gré ces con­tre-exem­ples, la mairie con­tin­ue à creuser son sil­lon. En 2018, elle signe un con­trat de maîtrise d’œuvre avec la société d’aménagement Egis. Début 2019, François de Rugy, min­istre de la Tran­si­tion écologique et sol­idaire, délivre à la com­mune une autori­sa­tion spé­ciale de travaux. Tout s’accélère. En octo­bre 2020, le tri­bunal admin­is­tratif de Cer­gy-Pon­toise annule cette autori­sa­tion, mais en juil­let 2021, ce juge­ment est cassé sur appel de la mairie. Les asso­ci­a­tions se pour­voient en cas­sa­tion, mais celle-ci est ren­due caduque du fait que, selon la for­mu­la­tion de la mairie :« Mi-avril, le Con­seil d’État a rejeté le pour­voi en cas­sa­tion (…) con­fir­mant la légal­ité de l’autorisation min­istérielle et clô­tu­rant les voies de recours ». Une for­mu­la­tion des plus approx­i­ma­tive, puisque, selon ce que m’a fait remar­quer Olga Bosse, autre opposante his­torique : « Le recours en Con­seil d’État a sim­ple­ment été rejeté, ce qui vaut appro­ba­tion pour la mairie. La mairie affirme que la jus­tice a tranché, mais jamais les tri­bunaux n’ont com­paré les dif­férentes méth­odes de mise en sécu­rité, ni dili­gen­té un con­tre exper­tise de l’é­tude INERIS ».

En mars 2022, le jour­nal munic­i­pal nous apprends dans sa rubrique « Carte des Investisse­ments de l’année » le début des travaux. Nous ne pou­vons con­naître son état d’avancement, car l’en­trée du site est bien enten­du inter­dite au pub­lic. Quand je m’y suis ren­du en com­pag­nie de François de Vergnette, nous avons pu con­stater que le secteur était en bonne voie de via­bil­i­sa­tion, afin d’y per­me­t­tre la cir­cu­la­tion des camions et la péné­tra­tion des engins de chantier.

Enfin, si comble­ment il doit y avoir, avec quels matéri­aux combler ? Quelque soit la réponse apportée, déblais de grands chantiers situés en Île-de-France, issus ou non des travaux de creuse­ment du réseau fer­ré Grand Paris Express, l’im­por­tant reste de répon­dre à la ques­tion que pose inlass­able­ment Mag­da­ley­na Lab­bé : « Depuis quand peut-on envis­ager de « val­oris­er » des déchets de chantier dans un site classé ? »

La lumière au bout de la galerie

La mairie per­siste et signe : « aucun pro­jet immo­bili­er ne sera autorisé sur la car­rière ». Sur la car­rière certes, où c’est la créa­tion d’un parc urbain qui est prévue, mais tout autour ? L’ur­ban­i­sa­tion du quarti­er a déjà été engagée à l’ouest du site par la con­struc­tion d’immeubles en périphérie de la zone. Et surtout, un amé­nage­ment via l’ap­pel à pro­jet Inven­tons la Métro­pole du Grand Paris (troisième volet) prévoy­ant la con­struc­tion de 28.000 m2 de bâti­ments dans la par­tie nord de la zone5. Résul­tats de l’appel en jan­vi­er 2023. Alors que les précé­dents pro­jets d’ur­ban­i­sa­tion ont tous été con­testés et aban­don­nés, serait-ce bon signe con­cer­nant celui-ci ? On peut l’e­spér­er, mais il a l’a­van­tage de se pré­val­oir du label Grand Paris, ce qui lui donne une plus forte légitimité.

Jusqu’à présent, les opposants au pro­jet, à côté d’une mobil­i­sa­tion locale soutenue, ont surtout fait jouer des leviers insti­tu­tion­nels, tels qu’un pos­si­ble ren­force­ment des con­traintes de classe­ment du site par le biais d’une inter­ven­tion du min­istère de la cul­ture, une démarche qui blo­querait le chantier le temps de l’ex­a­m­en de ce recours. Ou encore une démarche devant la Com­mis­sion européenne. Ils comptent aus­si sur le sou­tien de quelques per­son­nal­ités, dont l’architecte Éti­enne Tri­caud d’Arep, l’agence d’architecture la plus impor­tante de France, qui a signé une péti­tion qu’il ont fait cir­culer, puis Stéphane Bern et Corinne Lep­age qui se dis­ent préoc­cupés par le pro­jet de la mairie. Mais cela ne saurait suf­fire. La néces­sité de faire con­naître la lutte au-delà de Meudon et l’in­térêt de se rap­procher des autres mobil­i­sa­tions en cours en Île-de-France, telle celles de Gonesse ou de Saclay, sont bien enten­du dans toutes les têtes, et des con­tacts sont d’ors et déjà assurés. Il s’ag­it main­tenant d’élargir la mobil­i­sa­tion, de diver­si­fi­er les formes d’action.

Ce n’est pas seule­ment la car­rière Arnaudet qu’il s’ag­it de sauver, mais bien l’ensem­ble de la colline. En sous-sol, un puits de fraîcheur priv­ilégié, avec une tem­péra­ture con­stante de 10 degrés tout au long de l’an­née, ce qui n’est pas à nég­liger face aux épisode de chaleur intense que nous con­naîtrons de plus en plus. En sur­face, du fait de son aban­don pen­dant des années, ce site a dévelop­pé une véri­ta­ble richesse écologique : une réserve de bio­di­ver­sité sans pareille dans un milieu urbain par­mi les plus dense d’Europe. Pour faciliter l’ac­cès au chantier, deux par­celles de végé­ta­tion ont été récem­ment rasées et béton­nées, et si l’ap­pel à pro­jet du Grand Paris se con­cré­tise, d’autres con­naîtrons le même sort. Selon Olga Bosse « On ne peut pas reculer devant le terme d’é­co­cide pour car­ac­téris­er ce pro­jet ». C’est sans doute à cette hau­teur de vue qu’il faudrait main­tenant se placer.

Alain Dordé, jour­nal­iste pour Le Chif­fon

Pho­to de Une : Car­rière de Meudon. Pho­to de Mag­da­ley­na Labbé.

Pho­to 1 : Vue d’une galerie. Pho­to de Mag­da­ley­na Labbé

Illus­tra­tion 2 : Sophie Bra­vo de la Peña.

Des champs de céréales à perte de vue, quelques haies, le tout tra­ver­sé par une seule route départe­men­tale. La vie est en sus­pens en ce début d’après-midi d’été, la canicule sur­plombe tout le reste. Il n’y a que quelques oiseaux qui osent encore faire enten­dre leur voix. Le plateau de Saclay, « pôle d’excellence » du Grand Paris, reste pour l’instant prin­ci­pale­ment une zone agri­cole. Pour arriv­er à Zaclay, on cir­cule entre d’énormes chantiers, avant d’arriver au CEA (Com­mis­sari­at de l’énergie atom­ique), l’un des fleu­rons du pôle sci­en­tifique de Saclay.

Zaclay, c’est une Zone à Défendre (ZAD, d’où la con­trac­tion de ZAD et Saclay en Zaclay) légale, exis­tante grâce à l’approbation des Ven­dames, agricul­teurs bio du plateau. Cette ZAD a été fondée en mai 2021 par un petit groupe d’opposant.es au pro­jet de Ligne 18 du métro Grand Paris Express, qui devrait voir la lumière en 2030. Ligne en rocade, tra­ver­sant la ban­lieue sud de Paris, le métro 18 devrait reli­er les « pôles » d’Orly (94), de Massy (91) et de Ver­sailles (78), tra­ver­sant les ter­res agri­coles du plateau. Une occu­pa­tion née de la ren­con­tre entre plusieurs activistes à Palaiseau (91).

Cette poignée d’écologistes a don­né lieu aux « assem­blées écologiques et sociales » en 2020. «Une pre­mière occu­pa­tion d’une semaine, nom­mée ‘Céréal Killer’, a été le prélude de Zaclay » racon­te Sophie* du col­lec­tif con­tre la ligne 18. Mais la lutte existe depuis beau­coup plus longtemps. Harm Smit, du Col­lec­tif OIN Saclay (COLOS) rap­pelle : « Les luttes con­tre l’urbanisation du plateau exis­tent depuis 1980, après les pre­miers pro­jets de béton­i­sa­tion ». COLOS s’est for­mé en 2006, comme groupe de tra­vail et de réflex­ion sur l’urbanisation du plateau. La ligne 18 du métro, con­tre laque­lle lut­tent les activistes, fait par­tie du vaste pro­jet de développe­ment de la métro­pole parisi­enne, axé surtout sur la créa­tion de nou­velles lignes de trans­port en com­mun : le Grand Paris Express (GPE).

À Zaclay, l’occupation se com­pose d’une poignée de cabanes « privées », où logent « env­i­ron une ving­taine de per­son­nes, selon les péri­odes » affirme Sophie : « c’est un lieu de vie et d’accueil prin­ci­pale­ment. On accueille des indi­vidus mais aus­si et surtout des col­lec­tifs, pour des réu­nions, des con­férences, des soirées. Dans deux jours, par exem­ple, il y aura une dis­cus­sion sur la ges­tion des déchets nucléaires ».

Depuis le début de l’occupation, le bilan de la lutte n’est pas réjouis­sant : le chantier du métro se pour­suit, et la répres­sion com­mence à frap­per les militant.es. Deux activistes d’Extinction Rebel­lion passeront en procès le 13 jan­vi­er 20231pour l’accrochage à une grue de chantier d’une ban­de­role con­tre la Ligne 18. En même temps, le maire de Vil­liers-le-Bâcle, Guil­laume Val­ois, men­ace de pour­suites légales les agricul­teurs hébergeant la ZAD, pour la con­struc­tion de bâti­ments d’habitation sans autori­sa­tion préal­able. Con­tac­té à ce sujet, le maire n’a pas voulu répon­dre à nos question.

« C’est le signe qu’on dérange » se réjouit Sophie : « Au moins, l’occupation aura servi à faire exis­ter médi­a­tique­ment la lutte con­tre la Ligne 18, que ce soit au niveau local, région­al ou nation­al. Après des années de luttes sur le plateau, on a pu rompre ce pla­fond de verre en recourant à cette tac­tique qui n’avait pas encore été util­isée ».

La Ligne 18, joyau du Grand Paris Express ?

Mais pourquoi autant de haine con­tre une ligne de métro ? Les écol­o­gistes ne seraient-iels pas devenu.es un peu zinzin à se préoc­cu­per d’une ligne qui tra­verse sim­ple­ment les champs sans les touch­er ? D’autant que les 2 500 hectares de ter­res agri­coles du plateau sont pro­tégés par le statut de Zone de Pro­tec­tion Naturelle, Agri­cole et Forestière (ZPNAF), insti­tué par la Loi du Grand Paris. Sur cette zone : « Aucun change­ment de mode d’oc­cu­pa­tion du sol […] ne peut inter­venir sans autori­sa­tion des min­istres chargés du développe­ment durable et de l’a­gri­cul­ture […] ». Une pro­tec­tion sur laque­lle les activistes sont unanime­ment dubitatif.ves.

Selon la Société du Grand Paris (SGP), étab­lisse­ment pub­lic chargé de con­cevoir le GPE, la jus­ti­fi­ca­tion des nou­velles lignes de métro est avant tout envi­ron­nemen­tale : « Le nou­veau métro con­tribue, par nature, au développe­ment durable et à la réduc­tion des émis­sions de gaz à effet de serre », peut-on lire sur son site2. Le tout grâce à la propo­si­tion d’un mode de déplace­ment alter­natif à la voiture. Le développe­ment du trans­port en com­mun per­me­t­trait cette trans­for­ma­tion et la lim­i­ta­tion de l’étalement urbain3.

Les ter­res béton­nées ? Pas un prob­lème : comme dans tout grand pro­jet, une com­pen­sa­tion est pro­posée par la SGP4. Un argu­men­taire « vert » attaqué sur plusieurs plans. Selon les activistes, la perte en bio­di­ver­sité que la Ligne 18 con­stituerait pour le plateau ne serait pas com­pens­able. « Ces ter­res sont par­mi les plus fer­tiles d’Europe » s’insurge Sophie : « même plus que la plaine ukraini­enne. Nulle part tu peux recréer cet écosys­tème5 ». Il n’y aurait pas équiv­a­lence entre les ter­res du plateau et n’importe quelle autre terre de France, et même si c’était le cas, la repro­duc­tion de cet écosys­tème deman­derait plusieurs décennies.

Mais la crois­sance verte n’est pas la seule ambi­tion de ces 200 kilo­mètres de métro et de ces 68 nou­velles gares qui vont voir le jour d’ici 2030. « Colonne vertébrale » du pro­jet du Grand Paris, le GPE servi­rait à reli­er entre eux les 10 pôles « d’excellence », qui car­ac­téris­eraient la métro­pole du futur selon la com­mu­ni­ca­tion offi­cielle. Ain­si, le GPE : « rap­prochera les fran­ciliens de l’emploi, de l’enseignement, des équipements de san­té et des lieux cul­turels et de loisirs6 ». Le GPE réduirait, de cette façon, les iné­gal­ités ter­ri­to­ri­ales. Les nou­veaux axes de trans­port per­me­t­traient, pour la SGP et pour les com­man­di­taires du Grand Paris, l’intégration économique du ter­ri­toire mét­ro­pol­i­tain, son développe­ment et son ray­on­nement dans le monde, les rêves de grandeur étant un des piliers du pro­jet Grand Paris depuis ses orig­ines. Ain­si, deux à trois mil­lions de voyageurs utilis­eront chaque jour une ligne du Grand Paris Express pour aller à toute vitesse à leur ren­dez-vous. Voilà Paris enfin « ville monde7»!

Pour­tant, le développe­ment du plateau pour­rait ne pas être si linéaire que ça. Selon Harm Smit du COLOS : « Le pas­sage du métro favoris­era l’étalement urbain, parce que les gens vont prof­iter d’avoir un trans­port rapi­de pour aller habiter plus loin en ban­lieue. Il va aus­si fal­loir con­stru­ire des loge­ments et des ser­vices autour des gares. En plus, la ZPNAF est facile­ment déclass­able, ce qui laisse présager que de nou­velles gares avec quartiers annex­es vont voir le jour sur le plateau ».

En effet, le déclasse­ment des Jardins Ouvri­ers d’Aubervilliers8 pour per­me­t­tre leur béton­i­sa­tion, en 2020, est un précé­dent qui a mar­qué les esprits. D’autant que les autorités publiques9 esti­ment que la rentabil­ité du tronçon CEA – Ver­sailles est dépen­dante du développe­ment urbain des espaces tra­ver­sés. L’idée même de con­necter des pôles d’activités entre eux, si chère au pro­jet du Grand Paris, est remise en ques­tion par les urban­istes. Selon Jacque­line Lorthois, urban­iste spé­cial­isée en matière de liens entre tra­vail, emplois et ter­ri­toires, un tel mod­èle ne serait pas rentable et ne répondrait pas aux besoins réels de trans­ports10. En effet, les esti­ma­tions de traf­ic faites sur la ligne 18 à l’horizon 2030 prévoient au max­i­mum 6 000 per­son­nes à un instant t sur le tronçon ouest à l’heure de pointe11, beau­coup moins que les 40 000 per­son­nes que le métro pour­rait trans­porter. Un dimen­sion­nement qui ne se jus­ti­fierait alors que par la con­struc­tion de nou­veaux loge­ments sur le plateau.

Pour Harm Smit, la ligne 18 du métro favoris­era la créa­tion d’une « ville dis­so­ciée » : « Les gens qui habitent à un endroit n’y tra­vail­lent pas et celles qui y tra­vail­lent n’y habitent pas. C’est un grand gâchis de ressources et d’offres en trans­ports, alors qu’on pour­rait dévelop­per des zones cohérentes où les gens habitent et tra­vail­lent sur un même lieu ». C’est aus­si une énorme dépense publique, avec un coût de la Ligne 18 estimé à 4,5 mil­liards d’euros et les prix des chantiers du Grand Paris qui explosent (l’estimation ini­tiale, lors du débat pub­lic de 2010, du coût du GPE était de 19 mil­liards d’euros, révisée à 36 mil­liards cette année12). Pourquoi donc la ligne 18 sem­ble-t-elle si indis­pens­able au Grand Paris ?

Saclay : La Silicon Valley française

Une grande par­tie de l’argumentaire des défenseurs de la ligne 18 repose sur la recherche d’« excel­lence » du pôle uni­ver­si­taire Paris-Saclay, « véri­ta­ble levi­er au ser­vice de la dynamique du clus­ter13», qui rassem­ble nom­bre d’établissements supérieurs de recherche, de grandes écoles et d’universités. Le pro­jet de cam­pus urbain est « le plus grand pro­jet urbain européen actuelle­ment en con­struc­tion », et il devrait accueil­lir en 2025 20 000 chercheurs et enseignants, 30 000 étu­di­ants, 20 000 employés et env­i­ron 15 000 habi­tants14. Dans les ambi­tions des ini­ti­a­teurs du Grand Paris, Paris-Saclay doit devenir la « Sil­i­con Val­ley » française.

« Le projet d’aménagement du plateau de Saclay est un projet du vingtième siècle, avec son arrogance positiviste, qui continue comme un zombie » Emmanuel Ferrand, maître de conférences en mathématiques

Pour l’Établissement Pub­lic d’Aménagement (EPA) Paris-Saclay : « Le pro­jet de développe­ment du plateau de Saclay est un élé­ment clé du développe­ment du Grand Paris, il est des­tiné à dot­er la région parisi­enne et la France d’un pôle sci­en­tifique et tech­nologique de rang mon­di­al ». Déjà 13 % de la recherche française est con­cen­trée dans ce pôle, soit 40 % des emplois de la recherche publique et privée d’Île-de-France. Le pro­jet rassem­ble des étab­lisse­ments pres­tigieux comme l’école poly­tech­nique, le cam­pus AgroParis­Tech, le CEA et HEC (école des Hautes Études Commerciales).

Pour Emmanuel Fer­rand, maître de con­férences en math­é­ma­tiques à l’Institut de Math­é­ma­tiques de Jussieu — Paris Rive Gauche (IMJ-PRG), c’est : « Un pro­jet du vingtième siè­cle, avec son arro­gance pos­i­tiviste, qui con­tin­ue comme un zom­bie ». Un pro­jet qui repose sur l’idée sans cesse répétée que la con­cen­tra­tion des cen­tres de recherche, devenant ain­si des « clus­ters », per­me­t­trait d’améliorer leur effi­cac­ité et leur inter­con­nex­ion, favorisant la crois­sance économique. D’un autre côté, il pré­conise un développe­ment simul­tané de l’industrie, notam­ment à tra­vers les start-ups, qui per­me­t­traient des avancées tech­nologiques sans pareil et la solu­tion aux prob­lèmes du chô­mage, des lim­ites plané­taires, etc : la crois­sance sans fin !

Flo­rence*, activiste à Saclay, analyse ain­si l’idéologie du Grand Paris : « On crée un ter­ri­toire immense, entière­ment minéral­isé, où tous les besoins sont réso­lus grâce aux avancées tech­nologiques et où tout le monde s’adapte à un mode de vie de con­som­ma­tion fréné­tique ». Paris-Saclay se veut comme le joy­au du pro­jet du Grand Paris et il incar­ne par­faite­ment son idéologie.

Une opposition francilienne pour un projet francilien

On com­prend aus­si, en creux, l’opposition farouche de nom­bre d’activistes écol­o­gistes aux pro­jets du Grand Paris. Depuis octo­bre dernier, une Coor­di­na­tion des luttes locales d’Île-de-France a vu le jour. Celle-ci a offi­cielle­ment été lancée à l’occasion de la « Marche des ter­res », con­ver­gence de qua­tre march­es vers la mairie de Paris, depuis les lieux-sym­bole des luttes con­tre le Grand Paris, et notam­ment Gonesse et Saclay, en pas­sant par les Jardins d’Aubervilliers et le parc Georges Val­bon, men­acé par des pro­jets liés aux Jeux Olympiques. Pour Flo­rence : « Les deux prob­lé­ma­tiques de la ligne 17 [NDLR : qui men­ace les ter­res de Gonesse et con­tre laque­lle se bat le col­lec­tif pour le Tri­an­gle de Gonesse (CPTG)] et 18 sont telle­ment sim­i­laires que ce serait stu­pide de ne pas lut­ter ensem­ble. Les deux lignes doivent être aban­don­nées, c’est notre but ».

« Sur les aspects concrets, quand il faut défendre un lieu ou attaquer un projet, on est toujours là » Chloé Gerbier, association Terres de luttes

Au fur et à mesure, d’autres col­lec­tifs ont rejoint la coor­di­na­tion, comme Saccage 2024, Désobéis­sance Éco­lo Paris et des groupes nationaux tel qu’Alternatiba et Youth for Cli­mate. Pour Chloé Ger­bier, de l’association Ter­res de luttes, qui four­nit du sou­tien légal et de com­mu­ni­ca­tion aux col­lec­tifs écol­o­gistes : « Le fait que la coor­di­na­tion se soit élargie est bon signe, ça veut dire que ça sert à quelque chose. Ça peut provo­quer du con­flit aus­si, mais pour l’instant le côté posi­tif c’est que sur les aspects con­crets, quand il faut défendre un lieu ou atta­quer un pro­jet, on est tou­jours là ». Une dynamique d’entraide et de partage de ressources qui per­met de décu­pler la force de frappe de ces collectifs.

Une coor­di­na­tion avait déjà vu le jour avant la pandémie. Nom­mée COSTIF (Coor­di­na­tion pour la Sol­i­dar­ité des Ter­ri­toires d’Île-de-France), elle avait pour­tant duré peu longtemps. La reprise de souf­fle des luttes écol­o­gistes suite aux con­fine­ments, à l’hiver 2021, a relancé une dynamique de ren­con­tres. L’occupation de la ZAD de Gonesse, en févri­er 2021, et ensuite la nais­sance des occu­pa­tions des Jardins d’Aubervilliers (JAD) et de Zaclay, n’ont pas seule­ment été des pre­mières his­toriques en Île-de-France (la région n’ayant jamais vu naître des ZAD aupar­a­vant). Elles ont per­mis la ren­con­tre physique et con­crète des activistes écol­o­gistes, la mise en com­mun de ressources, le partage des prob­lèmes et des straté­gies pour y faire face. Ce n’est pas un hasard si c’est après ces expéri­ences que la coor­di­na­tion a vu le jour.

Le réseau per­met aus­si de struc­tur­er une cri­tique du Grand Paris qui dépasse les seules reven­di­ca­tions écologiques. En iden­ti­fi­ant le Grand Paris comme enne­mi com­mun, les activistes dépassent les seuls sujets envi­ron­nemen­taux, pour adhér­er à une vision holis­tique. Le Grand Paris est avant tout un pro­jet, néolibéral, de société. Pour Solène*, de Désobéis­sance Éco­lo Paris, le Grand Paris est une oppor­tu­nité pour axer le dis­cours surtout sur des thèmes poli­tiques : « Moi je me bats pas seule­ment pour préserv­er des par­celles agri­coles à Saclay, même si c’est très impor­tant. Je me bats surtout con­tre un sys­tème économique. Et le Grand Paris, au niveau social, est cat­a­strophique, surtout pour les plus pré­caires qui sont relégué.es encore plus loin en périphérie de la métro­pole ». Un con­stat auquel fait écho Mar­lène*, d’Alternatiba Paris : « La force des luttes éco­lo locales c’est que ça rend très vis­i­ble le lien entre les prob­lèmes con­crets des gens et la crise écologique ».

La lutte con­tre ce pro­jet de méga­lo­pole pour­rait paraître dés­espérée, con­cède Solène : « Oui c’est trop gros ! Mais dévelop­per un argu­men­taire plus vaste que juste s’occuper de sa lutte locale per­met d’un côté de savoir que t’es pas si seul, de l’autre d’être plus rad­i­caux ».

Sur le plateau de Saclay, la coor­di­na­tion relance le 22 octo­bre 2022 une grande marche pour la préser­va­tion des ter­res d’Île-de-France au départ de Saint-Quentin-en-Yve­lines. La con­struc­tion patiente d’une fédéra­tion des luttes pour­rait com­mencer à porter ses fruits. Qui sait, peut-être avec l’abandon de la ligne 18 ?

Gio­van­ni Simone, jour­nal­iste pour Le Chif­fon

Tous les prénoms suiv­is d’un * ont été mod­i­fiés par souci d’anonymat.

Pho­to de Une > Zaclay vue de l’entrée: en pre­mier plan le dôme géodésique provenant de Notre-Dame-des-Lan­des. Pho­to de Gio­van­ni Simone.

Illus­tra­tion > Sophie Bra­vo de la Pena.

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