Bon alors, c’est quoi une « mutuelle de fraudeurs ? » Eh bien c’est un groupe (disons une vingtaine de personnes) se réunissant régulièrement (une fois par mois en général) pour mettre des moyens en commun (de l’argent) qui servent à rembourser les amendes de leurs membres, qui ne payent pas, ou pas tous, leurs tickets de métro. En pratique, les membres paient tout de suite l’amende, puis se font rembourser lors de la réunion sur la caisse commune.
Les mutuelles ont existé dans différentes villes et différents pays. Elles seraient nées à Malmö, en Suède, dans les années 90. Il y a eu un collectif sans-ticket à Bruxelles au tournant des années 2000. Il existe un certain nombre de témoignages et de brochures au sujet des mutuelles, qui montrent une grande diversité de pratiques et de contextes. Impossible pour cette raison de faire le tour de la question en quelques lignes. Nous pouvons néanmoins formuler quelques réflexions sur une forme d’association assez curieuse, il faut le reconnaître. Nous parlerons surtout de Paris, parce que c’est la ville que nous connaissons le mieux, et parce que c’est un article du Chiffon : ici c’est Paris !
Si les mutuelles de fraudeurs ont fait l’objet de quelques articles dans la presse (autour de 2010), impossible de savoir si elles existent encore. Si c’était le cas, nous éviterions de les faire connaître ou d’en faire la promotion, car c’est interdit par la loi.
Bref, les mutuelles de fraudeurs, ça n’existe plus, ça n’existe pas, mais ça reste intéressant.
La première chose qui vient à l’esprit quand on considère une mutuelle de fraudeurs, c’est qu’elle consiste à ne pas payer les transports. C’est dans le nom : on fraude. Impression que vient confirmer le fait que de nombreuses mutuelles revendiquent la gratuité des transports en commun. Quand on creuse un peu la question, celle-ci se complique cependant. En effet, la première chose que l’on fait en entrant dans une mutuelle, c’est payer. Une petite cotisation, certes, 7 ou 10 euros par mois. Mais multiplié par 20, cela fait tout de suite 140 à 200 euros, qui rentrent dans les caisses de la RATP sous la forme d’amendes payés rubis sur l’ongle (les mutuelles encouragent le paiement immédiat — c’est moins cher). D’autre part, il faut prendre en compte le fait que même les usagers qui paient « normalement » le métro n’en règlent en réalité qu’une petite partie, puisque leur abonnement ou leur ticket est largement subventionné (par l’employeur, par la région, l’État, le département). Le coût du transport est donc déjà socialisé à grande échelle.
Ajoutons qu’historiquement (depuis les années 70), la fraude a été prise en compte comme un « coût » à comparer (un économiste parlerait « d’arbitrage ») avec les « bénéfices », que représentent la réduction des effectifs dans le métro et le bus (c’est toujours un économiste qui parle). En pratique, on a supprimé les êtres humains dans les stations et les bus, ce qui rend possible la fraude, impensable dans un contexte où il y aurait un employé derrière chaque tourniquet et un receveur dans le bus.
Enfin, la RATP est une entreprise qui exporte son savoir-faire et vend ses métros partout dans le monde. Elle peut se permettre de perdre un peu ici pour gagner là-bas. Bref, le fait de payer ou non son ticket est loin de résumer la question du financement d’un transport de masse, d’ailleurs structurellement déficitaire. Ce que l’on sait avec certitude, c’est que l’absence d’un tel système de transport coûterait trop cher. C’est même impensable : comment transporter les millions de travailleurs de leur domicile à leur travail dans une mégalopole comme l’agglomération parisienne ?
Pour ne parler que de l’Île-de-France, on constate d’ailleurs que le prix des transports a tendance à baisser (dézonage du navigo, ticket limité à 5 euros en Île-de-France, forfait pollution), preuve que nos élus, regroupés dans Île-de-France Mobilités (ancien Stif), avec à sa tête Valérie Pécresse, ne sont pas obnubilés par le financement des transports par le biais du ticket. Par contre, ils adorent les caméras, les portiques et les agents de sécurité, qui ne servent pas uniquement à vérifier la validité des titres de transports. Au-delà du coût du transport public, se pose donc la question de la discipline des usagers.
Autre caractéristique marquante des mutuelles de fraudeurs : elles sont une protestation contre les procédures de contrôle. Elles se considèrent elles-mêmes comme une manière de s’organiser pour que les couches les plus précaires de la métropole puissent continuer de prendre les transports en évitant la répression, puisque le paiement immédiat de l’amende arrête toute poursuite. Le fait de ne pas payer son abonnement ou son ticket, a également été revendiqué comme une protestation contre la technologie RFID, qui permet de centraliser dans une base de données informatisée les déplacements individuels. Les mutuelles relient donc en pratique la manière dont on s’acquitte de son trajet, le contrôle de ce paiement, et une question plus large de liberté. Les mutuelles l’abordent souvent par le truchement de la question des sans-papiers : être contrôlé sans ticket, cela veut dire un contrôle d’identité, et si l’on a pas ses papiers…
« Le délit consiste donc à faire la promotion d’une mutuelle particulière »
Plus largement, il est en effet légitime de s’interroger sur le fait qu’un acte aussi banal (au moins en apparence) que se déplacer, qui relève donc de la liberté fondamentale d’aller et venir, se fasse sous l’œil de caméras de surveillance, d’agents de sécurité surarmés, de contrôleurs qui contribuent à étoffer les dossiers de surendettement (qui contiennent bien souvent des amendes majorées), validés informatiquement, avec une législation qui relève de l’antiterrorisme. La loi du 22 mars 2016 dite « loi relative à la prévention et à la lutte contre les incivilités, contre les atteintes à la sécurité publique et contre les actes terroristes dans les transports publics, dite « Loi Savary », punit de 6 mois de prison et 7500 € d’amende ceux qui auront, sur une période d’un an, eu 5 contraventions impayées pour avoir voyagé sans titre de transport (jusque-là, il en fallait 10). On parle de plusieurs centaines de peines de prison prononcées pour ce motif.
La même loi Savary vise également de façon explicite les mutuelles de fraudeurs : « est puni de 6 mois de prison et 45 000 € d’amende le fait d’annoncer, par voie de presse, qu’une mutuelle de fraudeurs existe » (Il a fallu pour cela modifier la loi sur la presse de 1881). Et, en effet, la mutuelle de Lille s’est faite attaquer, avec procès, perquisitions, sur la base de son blog. Le délit consiste donc à faire la promotion d’une mutuelle particulière, et non pas à prendre le métro sans payer, qui relève de la contravention (comme ne pas payer son stationnement, par exemple).
« L’auto-organisation, l’action non-violente (et discrète) contre des aspects dégoûtants de la vie en métropole : le tri, le contrôle des usagers de transports et la stigmatisation de ceux qui ne peuvent payer, est un mérite incontestable des mutuelles. »
Le délit, depuis 2001 et la loi dite de Sécurité Quotidienne (gouvernement Jospin) renforcée par la loi Savary citée plus haut, est le délit de « fraude par habitude », qui consiste à ne pas payer ses amendes. Or, un des principes de fonctionnement d’une mutuelle est justement de payer l’amende immédiatement. Ainsi, elle n’est pas majorée, le contrevenant n’est pas obligé de donner son identité, et l’amende fait office de titre de transport, on peut voyager avec. En poussant un tout petit peu le raisonnement, on pourrait même dire que les mutuelles font acte de civisme en aidant certaines catégories d’usagers à se mettre dans le droit chemin… et il est vrai qu’en lisant des compte rendus de procès pour fraude par habitude, on peut ressentir la désagréable sensation de voir criminalisée la misère. Si plus de gens s’organisaient en mutuelles, les amendes seraient payées et les tribunaux moins encombrés. Avec des si…
En vérité les mutuelles relèvent bel et bien de la désobéissance civile, au sens d’un refus des règles habituelles de fonctionnement d’une institution et d’une loi, qui ne cherchent pas une confrontation directe avec le gouvernement, mais s’organisent en dehors de l’État, au niveau de la société civile, pour reprendre une distinction chère au libéralisme politique. Dans ce cas, la loi est contournée plus qu’affrontée de face, les mutuelles s’appuient sur les libertés civiles : liberté d’aller et venir, anonymat, liberté d’association, et profitent de manière très intelligente de l’ambiguïté de la loi, qui réprime comme un acte délictueux, voire terroriste, ce qui n’est qu’une contravention. L’auto-organisation, l’action non-violente (et discrète) contre des aspects dégoûtants de la vie en métropole : le tri, le contrôle des usagers de transports et la stigmatisation de ceux qui ne peuvent payer, est un mérite incontestable des mutuelles. On ne peut que regretter qu’elles n’aient pu faire tache d’huile et aient finalement disparu.
Il y aurait une critique à opposer aux mutuelles. La première est l’absence de remise en cause du transport de masse. On a écrit plus haut qu’il était naturel de se déplacer, mais utiliser pour cela une méga-infrastructure qui coûte 10 milliards d’euros par an, avec ce que cela représente, entre autres, comme dépense d’énergie, doit être remis en question. On voit bien que la revendication de gratuité est insuffisante. Le développement du Grand Paris, la destruction des terres agricoles à Gonnesse, à Saclay, à l’inverse ce que le développement des infrastructures peut avoir de néfaste en termes de destruction de la nature. L’expulsion des classes populaires du centre-ville, l’encouragement à l’urbanisation, sont autant d’exemples des effets pervers de transports ultra-efficaces.
Cependant, les espaces de solidarité concrète et de discussion sont trop rares de nos jours pour qu’on puisse se payer le luxe de dénigrer ce genre de pratiques. On a vu, en temps de pandémie, l’espace public disparaître d’un jour à l’autre, et l’autorisation de circuler dans certains lieux conditionnée à une validation informatique, une sorte de passe sanigo, un pass navigo sanitaire. Si les mutuelles avaient été plus nombreuses, peut-être que des pratiques de désobéissance auraient été possibles et, au lieu de voir chacun de nous isolés et réduits à l’impuissance, des collectifs de confinés et des caisses de soutien pour les amendes sanctionnant la liberté d’aller et venir auraient fleuri un peu partout en France.
Avec des si… on mettrait Paris en mutuelle.
Nicolas Eyguesier pour Le Chiffon
Sources :
A l’heure où les métronautes se mettent à scroller frénétiquement, le papivore souterrain est une espèce qui suscite une curiosité légitime. Seulement, à ma connaissance, aucun naturaliste ne s’est encore embarqué dans un comptage méthodique, qui permettrait d’établir avec objectivité l’état de santé de notre population francilienne. Aussi suis-je descendu dans les boyaux de la capitale, muni d’un carnet (de papier, évidemment) et d’un crayon (à papier, ça va de soi), pour débusquer quelques spécimens !
Inutile de vous dire que cette exploration ne prétend à aucune pertinence statistique. Pour constituer un échantillon représentatif, il m’eût fallu parcourir toutes les lignes sur la carte, en variant les jours et les horaires, sans oublier de marquer chaque individu, en le baguant à la patte, ce qui est interdit par la loi française. Néanmoins, quelques minutes d’observation suffisent pour constater que le lecteur d’imprimé niche encore dans le métro et jouit d’une belle biodiversité.
De fait, je me retrouve rapidement coincé entre Lève-toi et code : confessions d’un hacker, signé par un certain Rabbin des Bois, et Pour tout vous dire du regretté Jean-Pierre Pernaut. Puis je rencontre Sheldon, un musicien américain exilé à Paris depuis l’élection de George W. Bush, qui feuillette la vie du crooner Dean Martin. Ce sympathique quinquagénaire m’explique que le subway est le seul endroit qui lui permet de finir un bouquin : « Je suis obligé de rester attentif, ici, pour pas louper mon arrêt. Si j’étais dans mon lit, je roupillerais dès la première page. » Plus loin, j’interromps Colombe, une kiné de vingt-huit ans, au beau milieu d’un Houellebecq. « J’ai toujours un livre dans mon sac », me confie-t-elle. Bref, si l’on tombe parfois dans de vrais no books’ land, il ne faut pas ramer longtemps avant de surprendre l’un de ces drôles d’oiseaux !
« Il n’est pas rare de voir un Marguerite Yourcenar à côté d’un Marc Lévy. Au fond, cette diversité est à l’image du métro, qui est peut-être l’un des derniers lieux où la société se mélange vraiment »
La chasse au bouquineux est d’ailleurs le sport préféré du journaliste littéraire Bernard Lehut. Depuis cinq ans, celui-ci guette et épie l’animal, avant d’exhiber ses plus beaux clichés sur la toile. « Ce que je constate, me dit-il, c’est une grande variété de lectures. Il n’est pas rare de voir un Marguerite Yourcenar à côté d’un Marc Lévy. Au fond, cette diversité est à l’image du métro, qui est peut-être l’un des derniers lieux où la société se mélange vraiment. »
Bien sûr, cette proximité avec une faune bigarrée ne manque pas d’étonner d’autres passagers, qui laissent çà et là des impressions savoureuses, comme ces commentaires glanés dans la touitosphère : « Une dame dans le métro lit un livre nommé Le Cri, écrit par Nicolas Beuglet, et je trouve ça hilarant » ; « Mdr dans le métro y’a un couple le mec il regarde du MMA [NDLR : un sport de combat très violent] sur son tél, sa femme lit un livre sur l’écoute et la communication avec l’enfant, deux styles d’éducation différents » ; « Y’a un mec qui lit un livre Star Wars dans le métro… il y a encore de l’espoir mes frères »…
« Des centaines de tomes au prix d’un manga par mois » croisé dans les couloirs du métro. Photo : Valentin Martinie.
Quoiqu’il en soit, cette profusion de genres explique probablement la permanence du codex dans l’espace public. Rappelons au passage que l’explosion récente du nombre de titres édités n’aurait pas été possible sans certaines évolutions historiques. Ainsi que le rappelle Claude Poissenot dans sa Sociologie de la lecture (Armand Colin, 2019), l’imprimé s’est d’abord arraché aux injonctions morales de l’Église, au roman national imposé par l’École de la République, puis aux prescriptions des intellectuels de l’Après-Guerre. Ce n’est que très récemment que le livre « a perdu son statut prééminent dans la fabrication et la culture des élites1 », pour devenir un objet quotidien. Cependant, l’offre pléthorique de cellulose encrée n’est pas la seule cause de la relative résistance du livre face à la révolution numérique. Par ailleurs, tous les types d’imprimés n’ont pas montré la même résilience…
Si l’on en croit les chiffres de l’industrie, le papier bénéficie toujours d’une aura particulière dans notre pays, où les liseuses et les formats digitaux ont du mal à prendre. « Les craintes de voir les liseuses supplanter le marché du papier sont lointaines, le développement de l’ebook est marginal2 », rassure le président de Copacel, un syndicat regroupant des fabricants de pâte à papier. Même son de cloche au Syndicat National de l’Édition (SNE), qui nous apprend que les ventes cumulées d’ebooks et d’audiolivres ne représentent en 2019 que 4 % du marché total en valeur.
Ce succès trouve certainement sa source dans nos habitudes de lectures. « Ce n’est pas agréable de lire sur le téléphone », me répond Colombe. Mais vu que nous lisons de plus en plus sur les écrans, ce ne peut être le seul avantage comparatif du papier. « Les écrans me fatiguent les yeux, avance à son tour Léo, qui n’a pourtant que vingt-quatre ans. Et je peux facilement prêter mon livre à un ami. » Peut-être voyons-nous là le début d’une fatigue numérique, accentuée par les confinements successifs… Mais assez parlé du livre pour le moment, car il nous faut aborder le cas d’une espèce moins chanceuse…
Claude Poissenot me le confirme : « Certaines pratiques ont basculé vers le numérique, comme les dictionnaires et les encyclopédies, qui ont à peu près disparu des bibliothèques. » Et pour cause, dans un monde régi par une « logique de flux », où l’information est immédiatement accessible, celle-ci devient très vite « périssable ». C’est là une cause évidente du déclin continu de la presse d’actualité, qui peine à rivaliser avec la quasi-instantanéité d’internet. Effectivement, les journaux ont déserté les transports en commun. « Je vois un Canard de temps en temps, ou Libé, mais c’est tout, observe Bernard Lehut. Même les gratuits ont disparu ! ».
Depuis l’an 2000, les tirages s’affaissent, et ce, pour la presse nationale, comme pour la presse locale et les magazines spécialisés. Prenez Libé, par exemple : entre les mois de décembre 2015 et 2019, le quotidien a vendu 40% d’exemplaires en moins, selon l’Alliance pour les Chiffres de la Presse et des Médias (ACPM). Contrairement aux bouquineux, il faut donc inscrire le lecteur de presse papier sur la liste des espèces du métro en voie de disparition…
Pour autant, n’allez pas vous imaginer que tout est rose dans le monde du livre. Si notre underground accueille encore des poches de résistance, d’autres tendances de fond pèsent sur l’avenir du papivore.
Soulignons d’abord quelques faits mis en lumière par la dernière enquête du Ministère de la Culture sur les « Pratiques culturelles des Français ». Depuis le premier sondage réalisé en 1973, « la lecture – aussi bien de livres que de bandes dessinées – continue de diminuer au sein de la population ». Ce déclin résulte de deux phénomènes conjoints : les générations récentes lisent moins ; et les générations précédentes vieillissent, ce qui diminue leur fréquence de lecture. Normalement, les jeunes sont des lecteurs plus assidus que leurs aînés, mais aujourd’hui, cette tendance s’est inversée.
« Notre cerveau, très ancien, n’est pas fait pour le bombardement sensoriel permanent du numérique, ni nos neurones-miroir pour des relations sans chair »
Cette évolution est évidemment le fruit de l’apparition de loisirs concurrents, et de plus en plus numériques. L’analyse détaillée des nouvelles pratiques de la jeunesse laisse apparaître trois changements significatifs : la « consommation élevée de contenus audiovisuels en ligne », le « spectaculaire essor » des jeux vidéo, et l’utilisation des réseaux sociaux comme une « source d’information incontournable ». Ajoutons enfin que lorsqu’ils lisent un livre, 47% des 7–25 ans font souvent autre chose en même temps (et cette proportion monte à 59% pour les lycéens) : envoyer des messages, aller sur les réseaux sociaux, regarder des vidéos3…
Bien sûr, tout cela n’augure rien de bon pour la survie du papivore. Et pire encore, certains chercheurs estiment que l’inflation du temps d’écran pose un véritable problème de santé publique pour les enfants. C’est le cas de Michel Desmurget, docteur en neurosciences, qui, dans La fabrique du crétin digital, nous alerte sur une batterie de troubles affectant le développement cognitif, émotionnel et physique de ces nouveaux hypnotisés : appauvrissement du langage, troubles de la concentration, difficultés de mémorisation, problèmes de sommeil, anxiété, agressivité, maladies cardio-vasculaires liées à la sédentarité…
« Heartstopper, la série de romans graphiques également disponible sur Netflix ». Photo : Valentin Martinie.
En plus de rappeler que notre cerveau, très ancien, n’est pas fait pour le bombardement sensoriel permanent du numérique, ni nos neurones-miroir pour des relations sans chair, Michel Desmurget insiste sur le rôle crucial des premières relations intrafamiliales, en particulier de la lecture, dans l’acquisition du langage. Et la conclusion de ce fils de libraire est sans appel : le livre est déjà la victime collatérale de la révolution numérique.
On ne peut donc ignorer l’impuissance de la société toute entière à juguler l’invasion des écrans, qui se prolonge de facto dans le métro parisien.
En effet, cet espace socialement mélangé est aussi un espace hyper-commercial, où s’orchestre la fabrique de la demande numérisée. Voyez par exemple cette affiche promouvant une série de romans graphiques, qui s’avèrent être aussi une série Netflix (voir la photo). Ou cet autre encart qui propose des mangas en illimité disponibles sur téléphone connecté (voir la photo). Oh, mais qu’aperçoit-on en bas à droite, tout près des logos App Store et Google Play… ? Serait-ce le sceau républicain du « pass Culture », précieuse carte de réduction créée par la Macronie « afin de renforcer et diversifier les pratiques culturelles4 »… ?
« L’important n’est pas de savoir lire, mais de savoir ce qu’on lit, de raisonner sur ce qu’on lit, d’exercer un esprit critique sur la lecture. En dehors de cela, la lecture n’a aucun sens. »
Il semble que le livre soit entré dans l’ère de la start-up nation, avec l’appui bienveillant des autorités. Constatant peut-être que « la promotion de la lecture produit involontairement une force aboutissant au résultat contraire5 », nos élites socio-économiques se sont visiblement converties au laissez-faire. Quitte à confondre les aspirations naturelles de la jeunesse avec les ondes prescriptrices du marché.
Plutôt que de lutter contre les offensives du capitalisme de plateforme (numérisation du patrimoine littéraire chez Google ; recommandations algorithmiques, rachats massifs de droits, streaming illimité de livres qu’on découpe et rémunère à la page chez Amazon…etc.), elles cachent leur impuissance derrière le beau discours relativiste du « tout est culture », qui se décline évidemment en « tout est lecture ». Et c’est ainsi qu’on voit le Conseil National du Livre (CNL) promouvoir la lecture avec ce slogan : #JeLisCommeJeVeux…
Comprenez là que la politique culturelle n’a plus ni fond ni forme. Son objectif est maintenant de faire lire absolument n’importe quoi, n’importe comment, et quoiqu’il en coûte. Or, en oubliant de définir leur principal objet, le Conseil National du Livre et le Ministère de la Culture laissent un grand vide au milieu de la cité, qui ressemble à s’y méprendre aux fondations d’un centre commercial. Comme l’écrivait Jacques Ellul dans Propagandes : « L’important n’est pas de savoir lire, mais de savoir ce qu’on lit, de raisonner sur ce qu’on lit, d’exercer un esprit critique sur la lecture. En dehors de cela, la lecture n’a aucun sens. »
Valentin Martinie, Journaliste pour Le Chiffon
Photo de Une : Paulo Slachevsky, 2017, Creative Commons. 2.0
Au grand dam des ésitériophiles1, le ticket de métro c’est fini ! Comment toute cette histoire commence-t-elle ? Eh bien, en 2015 le Syndicat des transports d’Île-de-France (STIF, renommé Ile-de-France Mobilité, IdFM depuis 2017), autorité organisatrice du réseau ferroviaire dans la région, lance son « Programme de Modernisation de la Billetique ». L’objectif est double : remplacer les tickets magnétiques par de la télébilletique (utilisant la technologie RFID) et le passe Navigo, aujourd’hui possédé par 5 millions d’usagers dans la région, en l’important sur l’ordiphone ; instaurer la tarification à l’usage pour plus de « flexibilité2 ». Un programme conforté par l’élection de Valérie Pécresse en 2016 à la présidence de la région, candidate chantre de la numérisation des titres de transports, qui devient la nouvelle directrice du STIF. Le tout dans un contexte de préparation des Jeux Olympiques de 2024, du lancement du Grand Paris Express d’ici 2030, qui doublera la taille du réseau de métro, et de l’ouverture de l’intégralité du réseau de transport francilien à la concurrence, qui s’échelonnera sur 15 ans (2024–2039).
L’abandon du ticket magnétique est alors prévu pour 2019, puis 2021… puis finalement 2025, pour une disparition totale. La cause du retard ? Une tension sur le marché mondial des cartes à puce causée par la crise covidienne et un problème technique de stockage des cartes dans les distributeurs de la région… Selon Sébastien Mabille, responsable du service de presse chez IdFM, trois raisons ont présidé au choix de l’abandon du ticket : « C’est une mesure écologique : près de 550 millions de tickets étaient vendus chaque année, dont près de 10% étaient perdus et jetés dans les rues. Un certain nombre étaient démagnétisés, ce qui donne une charge de travail inutile aux guichetiers pour les remplacer. Enfin, c’est plus pratique, plus rapide à valider aux tourniquets ». Tout bénéf !
« IdFM veut inciter au maximum au post-paiement notamment parce que les usagers se rendent moins compte qu’il consomment du transport ».
Mais en clair, comment se traduit la disparition du ticket magnétique ? C’est simple. Depuis octobre 2021, le ticket individuel et le carnet de 10 ne sont plus disponibles dans les automates des stations de métro, seulement dans certains guichets. En 2023, ce sera au tour des tickets du RER (ticket Origine-Destination) d’être retirés de la vente. Les tickets que vous conservez sans le savoir au fond de vos armoires seront toujours utilisables jusqu’en 2025. Après : rideau. Terminé.
Le petit rectangle de papier se voit remplacé par deux nouvelles formules de carte à puce : le passe Navigo Easy et le Navigo Liberté+, le support étant facturé 2€. Le premier est anonyme et permet d’acheter jusqu’à 30 tickets individuels ; le second est nominatif et utilise le post-paiement. C’est-à-dire que les usagers valident leur passe à chaque trajet et sont seulement facturés à la fin du mois selon le nombre de voyage effectués sur le réseau : souple, adaptable. Pour Marc Pélissier, président de l’Association des Usagers des transports (AUT) d’Île-de-France : « IdFM veut inciter au maximum au post-paiement notamment parce que les usagers se rendent moins compte qu’il consomment du transport ».
Point épineux dans cette affaire : l’abandon du ticket magnétique signifie-t-il pour autant la surveillance généralisée des trajets des usagers ? Pas nécessairement puisque IdFM maintient une offre anonyme — à l’instar du ticket papier — avec le Navigo Easy. Mais, selon Marc Pélissier, l’informatisation induite par le Programme de Modernisation de la Billetique va « forcément rediriger davantage d’usagers vers des Navigo, dont la plupart sont nominatifs », entraînant la réduction progressive du nombre de trajet effectués sur le réseau sans identification de l’usager. Replongeons quelque peu dans l’histoire.
Au début des années 2000, le STIF prévoit de remplacer la carte Orange (avec technologie magnétique) par de la télébilletique3 avec le passe Navigo, qui la remplacera ensuite progressivement entre 2005 et 2009. La carte Orange servait uniquement à souscrire un abonnement et à être présentée au tourniquet pour validation. L’identité du détenteur de la carte, déclarative, était inscrite manuellement sur cette dernière. C’était une simple carte d’autorisation de passage, ignorant l’identité de l’usager, qui pouvait seulement être confirmée via une vérification sur le support physique par un contrôleur.
« Aller et venir librement, anonymement, est l’une des libertés fondamentales de nos démocraties »
C’est à ce point précis qu’intervient la nouveauté du Navigo. Il fusionne l’autorisation de passage et l’identité de l’usager4, qui n’est plus seulement renseignée sur le titre de transport, mais inscrite dans la carte à puce et stockée sur les serveurs de la Régie autonome des transports parisiens (RATP), lorsque l’abonnement est contracté pour la première fois. La carte stocke aussi les informations des trois derniers trajets de l’usager. Pour Nono, directeur technique de l’association de défense et promotion des libertés sur internet La Quadrature du Net, le Navigo ouvre alors une possibilité redoutable : « L’autorisation de passage est la même pour tous, alors que l’identité est forcément individuelle. C’est avec cette dernière que l’on peut instaurer des discriminations. On peut imaginer que le passe Navigo permettrait tôt ou tard de limiter les trajets d’un voyageur (selon son statut bancaire, son casier judiciaire ou autre) à une zone (1,2,3,4 ou 5)5. »
Ainsi, la RATP ne sait plus seulement que 100 000 personnes ont franchi les tourniquets de la Gare de Lyon tel jour, comme c’était le cas avec les technologies magnétiques anonymes (le ticket) ou déclaratives (la carte Orange). Ils savent désormais l’identité de ses ces 100 000 personnes. La Commission nationale de l’informatique et des libertés (CNIL) a réagi dans une délibération de 2004 à l’instauration du Navigo, affirmant qu’ :« Aller et venir librement, anonymement, est l’une des libertés fondamentales de nos démocraties6», une liberté de circulation anonyme garantie par l’article 13 de la Déclaration universelle des droits de l’homme adoptée en 1948. La CNIL exigea que le STIF propose aux usagers un titre de transport anonyme : ce sera le Navigo Découverte, mis en place plus de trois ans après, en 2007, au prix de 5€7.
En janvier 2009, le STIF va de nouveau essuyer la réprobation de la CNIL, qui pointe les barrières qu’érige la régie publique pour contracter la fameuse formule Découverte. La Commission regrette que : « Les conditions d’information et d’obtention du passe Navigo Découverte soient particulièrement médiocres, voire dissuasives ». En sus, elle critique le prix de 5€, quand le Navigo classique est lui gratuit8.Les délibérations de la CNIL n’étant plus contraignantes depuis 2004, ses propos resteront sans effet : le prix du passe Découverte sera maintenu — aujourd’hui encore — à 5€. Le site internet ratp.fr ne présente toujours pas, dans l’onglet « Titres et Tarifs », cette formule Découverte.
Sébastien Mabille, du service de com’ d’IdFM, s’agace du possible soupçon de fichage et de surveillance de la population : « On est une administration publique, on s’en fiche de ficher les gens ! » avant d’ajouter, dans une aventureuse comparaison : « ceux qui croient qu’on est là pour ficher les gens c’est comme les mecs qui croient que la terre est plate… ». Selon Arthur Messaud, juriste à la Quadrature du Net : « Il est clair que la RATP n’a pas le projet direct de fliquer les usagers. En revanche, le passe Navigo c’est une voiture de course de la surveillance qui, pour l’instant, reste au garage ».
Après le confinement au printemps 2020 : « La SNCF et la RATP, ajoute Nono, ont contrôlé les distances sanitaires et le port du masque grâce aux caméras et au traçage Wi-Fi9, des panneaux publicitaires avec caméras intégrées pour découvrir les comportements des usagers ont à nouveau été installés : il y a un certain nombre de technologies de surveillance qui sont mises en place, le passe Navigo n’en est qu’une parmi d’autres. L’important, c’est de réfléchir à l’interconnexion de ces technologies ». Des données qui pourraient aussi intéresser le secteur privé car elles permettraient de tracer les habitudes de transport des consommateurs : une mine d’or pour la RATP dont le besoin de financement n’a jamais été aussi important.
Cette potentiel surveillance pourrait être plus facilement accepté, selon la Quadrature du Net, par la multiplication des fonctionnalités du passe Navigo. Par exemple la possibilité de payer d’autres moyens de transport (publics ou privés) et des services connexes (le parking, l’hôtel, les musées), comme le souhaite Valérie Pécresse depuis son arrivée à la région10. Mais aussi par l’importation du Navigo sur ordiphone via l’application « IdF Mobilités », expérimentée en 2019 et généralisée depuis : « Lorsque tu achetais un ticket de métro, examine Nono, tu pouvais seulement voyager avec. Avec le passe Navigo ça n’est plus le cas. Tu peux aussi créer un lien entre différents services (de transports, de paiement), d’où une confusion des fonctions… alors ça devient beaucoup plus dur d’isoler la partie surveillance de cette technologie et de s’y opposer ».
Messaud poursuit : « La société capitaliste a tout intérêt à mélanger les usages d’une technologie, pour qu’on ne sache plus bien si, avec un téléphone par exemple, on est en train de prendre le métro, de lire un journal gratuit ou d’appeler quelqu’un — et que dans cette confusion, on ne fasse plus la différence de nos activités. Alors on se retrouve moins alerte face à la surveillance. L’intérêt de garder des formats papiers (billet de banque, carte d’identité, ticket de métro) : c’est une fonction par support. Les supports matériels non-informatisés évitent la confusion des fonctions, alors que la numérisation les brouille ». Et de conclure : « L’horizon de la « Technopolice », c’est un terminal unique pour payer, téléphoner, s’identifier pour bénéficier des services publiques ou commerciaux et réaliser toutes les activités nécessaires à la vie dans la cité ».
« Le passe Navigo c’est une voiture de course de la surveillance qui, pour l’instant, reste au garage ».
Contactés, les syndicats de travailleurs (SAT, FO, CFE-CGC, CGT, CFDT) n’ont pas donné suite aux sollicitations du Chiffon concernant l’essor de l’utilisation de la télébilletique à la RATP depuis les années 2000. Selon Michel Babut, vice-président de l’Association des Usagers du Transport d’Île-de-France : « Les syndicalistes s’intéressent très peu au sujet de la télébilletique. Pour les avoir fréquentés en réunion pendant des années, ils n’en ont presque jamais discuté. Au point qu’ils n’ont jamais exprimé de position favorable ou défavorable à son essor au sein du réseau. » Un non-sujet pour les syndicats ?
Plus que le vieux ticket papier, le STIF aimerait progressivement voir disparaître le Navigo au profit du passe importé sur l’ordiphone, car il offre plus de fonctionnalités : « L’idée c’est d’avoir un package et de gérer tous nos transports depuis l’application « IdF Mobilités », le tout dans une vision qui s’inscrit dans le mouvement de la MAAS, Mobility As A Service [transport à la demande] » déclare Sébastien Mabille d’IdFM. La MAAS est une de ces nouvelles approches qui veut : « Rendre plus efficiente l’infrastructure de transport existante en y intégrant de l’intelligence par le biais des nouvelles technologies11 » comme l’écrit un consultant du cabinet de conseil Wavestone.
En clair, c’est la fusion de tous les moyens et réseaux de transports (train, bus, voiture, vélo, trottinette, etc.) dans une unique plateforme et accessible grâce à un unique support : le téléphone. Progressivement mis en place à Helsinki, « pionnier » dans le genre, depuis 2015, le « transport à la demande » devient l’horizon de plusieurs métropoles mondiales, dont Paris et l’Île-de-France et s’inscrit dans l’essor de la Smart City. Avec la multiplication des capteurs pour le recueil des informations et l’informatisation-numérisation des services urbains, la ville « Smart » est pour la Quadrature du Net : « Une mise sous surveillance totale de l’espace urbain à des fins policières12». Dans l’abandon du ticket de métro, ça n’est pas seulement un bout de papier que nous perdons ; c’est un imaginaire et, progressivement, une nouvelle ville, branchée, technologisée, assistée, qui s’impose à nous.
L’automatisation de la billetique du métro s’échelonne durant la deuxième moitié du XXe siècle en trois principales étapes. Dans les années 1960 s’élabore le Réseau express régional (RER), dont on attend une explosion du nombre de voyageurs. Dans ce contexte, le ticket à bande magnétique va venir remplacer à partir de 1968 l’ancien ticket papier, qui était poinçonné (faisant définitivement disparaître la profession de poinçonneur en 1973). Pour Julien Mattern, maître de conférence en sociologie à l’université de Pau et auteur d’une thèse sur l’essor de la télébilletique à la RATP13: « A partir de ce moment, il y a toute une culture de l’automatisation qui se met en place à la RATP et au Syndicat des transports parisiens (STP) ».
Dans les années 1970, un double changement s’opère. D’abord, l’élection de Pierre Giraudet à la Direction générale de la RATP de 1972 à 1975, qui marque un « tournant commercial » de la régie de transport public. Puis, l’inventeur-ingénieur Roland Moreno met au point en 1974 la première carte à puce (avec contact). Depuis cette époque, la RATP va tout miser sur cette dernière, qui ne rentrera en activité qu’avec le passe Navigo au début des années 2000.
Julien Mattern analyse : « L’impulsion de l’automatisation vient dès le début des années 1980 des commerciaux de la RATP et non des ingénieurs. » La fréquentation du réseau parisien baisse durant les années 1970 : « Pour les commerciaux, la télébilletique permet de développer des programmes de fidélisation, des services supplémentaires (utilisation comme porte-monnaie électronique) et l’individualisation des tarifs ». Des moyens de séduire des usagers frileux à emprunter les trains souterrains. Du côté des ingénieurs, c’est la panique : le temps de validation de la carte à une borne — quelques dizaines de secondes — risquerait de paralyser le réseau.
Problème technique résolu au début des années 1990 avec l’arrivée de la validation sans-contact (grâce à la technologie Near-field Communication, NFC) qui ouvre l’ère de la télébilletique. Quelques secondes suffisent pour la validation : ingénieurs et commerciaux se mettent d’accord. La télébilletique offre une transparence supposément absolue en terme de gestion du réseau et permet l’individualisation des tarifs. Gagnant-gagnant. Ainsi, pour Julien Mattern : « La télébilletique semble incarner deux règnes : le rêve de la fluidité et de l’automatisme (ingénieur) et le rêve de la relation-client (du côté des commerciaux) ». Le premier versant s’inscrit dans l’imaginaire de la cybernétique qui vise à optimiser et fluidifier les transports urbains dans le cadre du développement des transports de masse. Le second versant est celui du néo-libéralisme, qui cherche à individualiser chaque trajet et à le traiter comme une marchandise ayant un prix particulier14.
« L’argument de supprimer les tickets papier au nom de l’écologie est ridicule. On sait à quel point le numérique est polluant »
« La télébilletique est justifiée par un système de masse », analyse Julien Mattern. Dans un réseau emprunté par plusieurs millions de personnes chaque jour, le retard de quelques minutes d’un train peut retarder le commencement de la journée de travail de plusieurs dizaines de milliers de personnes. « Dans une ville de 50 000 habitants, il n’y a pas besoin de l’informatique pour estimer précisément le nombre de trains ou de bus nécessaires à une heure précise. Demander aux chauffeurs le nombre approximatif de voyageurs pourrait suffire pour savoir si les moyens mis en place sont proportionnés. C’est difficile de critiquer la télébilletique sans critiquer le système de masse et de flux qui le justifie et le crée ».
Système de masse et de flux adossé à une infrastructure informatique de plus en plus énergivore, au point que des études estiment que cette dernière pourrait consommer 50 % de l’électricité mondiale (principalement produite par du charbon) d’ici 203015. Julien Mattern conclut : « L’argument de supprimer les tickets papier au nom de l’écologie est ridicule. On sait à quel point le numérique est polluant ». Il s’agirait donc de reconsidérer sérieusement la décroissance de l’infrastructure informatique de la RATP, à l’heure où la plus grande extension du réseau – avec le Grand Paris Express – est programmée. Et de ressortir le ticket papier qui pourrait, lui, être un véritable objet d’avenir.
Gary Libot, journaliste pour Le Chiffon
Dessin et illustration : Alain L.