Je marche dans une rue du XIVème, entre les klaxons et les pots d’échappement. J’enjambe une trottinette électrique gisant au beau milieu du trottoir, refuse un Direct Matin, et me dirige vers un petit parc délabré. Je m’assois sur un banc, enlève mes chaussures et les fourre dans mon sac. Je chausse mes bottes, j’enfile une veste sale, j’allume ma lampe frontale. Je ressors du parc. Coup d’œil à gauche, pas de police. Coup d’oeil à droite, pas de police. La voie est libre.
Avec l’index et le pouce, je soulève une plaque de fonte triangulaire sur le trottoir. Certains diraient « une plaque d’égouts ». Mais elle ne mène pas du tout aux égouts. Je bloque la plaque en position verticale, descends quelques échelons boueux dans le trou noir qui s’ouvre sous moi, débloque la plaque, et – SGLANKK !
La lourde plaque s’est refermée sur moi, ça résonne un peu, puis plus rien. Silence. Je descends les échelons et, peu à peu, mes yeux s’accoutument à l’obscurité. Ma lampe éclaire les barreaux devant moi. Mes pieds touchent le sol : c’est bon. J’essuie la boue de mes mains, écoute la galerie. Rien, à part un lointain vrombissement de moteur dans la rue. Enfin, j’y suis. Tranquille pour les prochaines heures, au calme… dans les catacombes de Paris.
Une demi-heure plus tard, je range mes allumettes dans une des poches de ma veste. Satisfait, je contemple la salle, qui brille de mille feux. Mille, j’exagère, mais j’ai bien allumé une vingtaine de bougies. Des petites bougies dans les renfoncements des parois, des grandes bougies sur la table, et Philibert, mon acéty, qui pendouille joyeusement au dessus de ma tête. La salle est allongée, taillée directement dans la roche. Un gros pilier en pierres sculptées soutient le plafond, ou, comme on dit ici, le ciel. À la lumière des bougies, les murs sont beiges, les ombres noires. Les surfaces sont irrégulières, comme dans une grotte. Au pied des parois, des bancs. Et au milieu de la salle, sur une longue table faite de blocs de roche et de sable, un tibia (planté je ne sais comment dans la table) fait office de chandelier. La bougie qui s’y trouve éclaire une fleur de lys, dessinée au charbon sur la paroi, datée de 1777. Incroyable qu’elle ait survécu aux siècles ! Je m’assieds et souffle un bon coup. M’y voilà, seul avec moi même, 25 mètres sous Paris.
Phou.
C’est marrant d’imaginer qu’au-dessus de moi, les gens courent pour aller au travail, commandent un Uber, vapotent, sans savoir ce qu’il y a sous leurs pieds. Je lève les yeux au ciel, comme pour les voir à travers la roche. Je les imagine, vus de dessous. Ça serait marrant, si c’était transparent. Je verrais d’abord le métro, qui ne doit pas passer loin au-dessus de moi. Puis les égouts. Puis des caves, certainement. Puis le trottoir. Et là, il y aurait les pieds des gens pressés. Rigolo ! Je ne sais même pas si les gens savent ce que sont les catacombes. Ils en ont certainement déjà entendu parler… Mais est-ce qu’ils savent qu’il y a plus de 300 kilomètres de galeries ? Que c’est d’ici que provient une bonne partie du calcaire qui a permis de bâtir Paris ? Que j’y suis assis, peinard ?
Toujours fixé au ciel, mon regard s’égare… puis s’arrête. Tiens, on dirait un tract ! Là, entre deux blocs de pierre, dans une fissure, un petit bout de blanc. Un petit coin de papier plastifié. Je me lève, gratte la pierre, agrippe la chose, tire délicatement. Les tracts, ce sont des petits papiers que les visiteurs des catacombes (que l’on appelle les cataphiles) planquent, cherchent, trouvent ou échangent.
Parfois, ce sont des dessins, parfois des poèmes, parfois des gribouillis, parfois des signatures, parfois des blagues. Je retourne le mien. C’est un carton d’une quinzaine de centimètres, signé « Shiro ». On y voit un dessin en noir et blanc, du style gravure, qui montre une petite fille en robe, déposant une bouteille dans une poubelle. Sous le dessin, il est écrit : « J’aime mes catas, je ramasse ». Volontairement naïf, mais bon enfant, ce tract !
Je me rassois, contemple l’oeuvre. Shiro s’est donné de la peine ! C’est sympa, ce genre de tract. C’est l’esprit cataclean. La cataclean est une soirée, qui a lieu une fois par an, pendant laquelle des cataphiles ramassent les déchets qui traînent dans les galeries, rassemblent le tout sous les puits, remontent les sacs poubelle à la surface, et redescendent faire la fête. Je n’ai jamais vu une action semblable dans la rue, en surface… Comme quoi, quand les gens s’approprient un lieu, ils en prennent soin !
Mais d’ailleurs, ce phénomène ne s’arrête pas aux déchets. La salle dans laquelle je me trouve a été entièrement rénovée il y a quelques années. Rénovée par les cataphiles eux-mêmes. Il leur a fallu gratter les murs, creuser le sol, remonter des sacs de terre. C’est du travail ! En tous cas, ça montre qu’il ne faut pas nécessairement de l’argent, un chef ou des structures bureaucratiques pour créer et entretenir des lieux qui profitent à la communauté…
Adam Smith, dont j’ai revu les théories en cours il y a quelques jours, dit : « Ce n’est pas de la bienveillance du boucher, du brasseur ou du boulanger qu’il faut espérer notre dîner, mais du souci de leur propre intérêt ». D’où la main invisible : chacun agit de manière égoïste, et au final, tout s’arrange pour le mieux et le monde est content. Notre économie est fondée sur cette pensée. Visiblement, la théorie ne fonctionne pas, puisque la richesse se répartit de manière injuste. Mais au-delà du résultat, le travail des cataphiles suggère que le postulat de départ est également foireux.
La salle dans laquelle je suis assis n’a pas été construite pour servir un intérêt purement égoïste ! Elle a été construite pour tous ceux qui voudront en profiter. Alors on pourrait dire que les constructeurs l’ont construite pour eux mêmes, et que c’est un hasard si d’autres en profitent aussi. Mais le lieu ne leur appartient pas, ou plutôt, il appartient à tous. Ils l’aménagent donc pour tous. On pourrait dire aussi qu’ils l’aménagent juste parce que cela leur procure du plaisir. Mais le boucher, le brasseur ou le boulanger ne prend-il pas du plaisir, lui aussi, à découper une belle pièce de viande, à brasser une bonne bière ou à cuire un bon pain ?
Ici, pas de quantification ni de qualification du travail : rien n’oblige les cataphiles à nettoyer, à construire, à décorer. Pas d’argent, pas de police, et pourtant, me voilà assis dans une belle salle, paisi– Ah non, pas si paisible que ça. Bam !- bam !- bam !- des basses approchent. Une musique psychédélique, des voix. Et voilà, la lumière, aussi. Des faisceaux de frontales éclairent la paroi. Ils ont dû me voir, aussi, voir l’éclairage des bougies, au moins.
Quatre personnes déboulent dans la salle. Deux quinquagénaires, en cuissardes et sac de marin sur le dos, et deux trentenaires, une femme en bottes et un homme en treillis. L’un des deux plus vieux, casquette vissée sur le crâne, me lance :
- Saaalut ! Moi c’est Chameau. Ça roule ? T’es posé, toi !
- Salut, moi c’est Rack.
Chameau se débarrasse de son sac, et s’assoit sur le banc à côté de moi :
- Putain ! J’suis crevé ! On s’est tapé un max’ de pateauge avant le bunker, du côté du caveau ! C’est complètement inondé… Y’a dû y’avoir un truc qu’à peté ! Enfin… je te présente Ballerine (son collègue quinquagénaire), et… attends, dites rien, que j’me rappelle… Batman et Caillou !
Ballerine m’explique :
- Je ne sais pas par où t’es arrivé, toi, mais quand tu viens de chez Fifi, c’est plein de flotte… Et c’est nouveau ! Bref. Tu boiras bien une petite catabière avec nous, Rack ?
Il me tend une canette de 8.6, que j’accepte avec plaisir. La fille en cuissardes, Caillou, sort une feuille et commence à rouler un joint. Elle lance à Chameau :
- Tu veux pas nous mettre une musique un peu plus calme, là ? Juste le temps de se poser un peu…
Les basses baissent. Je prends une gorgée de bière, et demande :
- Vous avez croisé du monde, déjà ?
Caillou répond, toncar coincé entre les lèvres :
- Euh, nous, ouais ! Mais ça fait un bout de temps qu’on est là… Je sais pas quelle heure il est, mais on a passé la nuit en bas en tous cas !
Ballerine la coupe :
- Elle brûle bien, ton aceth ! C’est une Aras ? T’as un peu de carbu’ [carbure de calcium, servant à faire fonctionner les lampes à acétylène] à me dépanner ? »
Je regarde ma lampe à acétylène. C’est vrai qu’elle est belle.
- Oui oui, j’ai du carbu’ sur moi. Prends-en, il est dans mon sac, à tes pieds !
Les lampes à acétylène, c’est un sujet de connaisseurs. Parfois, j’ai l’impression que les cataphiles en parlent juste pour montrer qu’ils ne sont pas nés de la dernière pluie. Ici, il faut montrer que l’on est un habitué.
Pour le monde cataphile, les catacombes ne sont belles que parce qu’elles sont méconnues. Ça n’est pas complètement faux : je descends surtout dans le nord du réseau, plus difficile d’accès, moins fréquenté et mieux entretenu… Mais l’état du sud, dont une entrée facile à emprunter a été amplement relayée sur le net, se détériore rapidement depuis quelques années. Depuis, les nouveaux sont chassés : il n’est pas bon d’être aperçu carte à la main (signe que l’on ne connaît pas les 300 km par cœur), ou de demander des informations sur les entrées et les sorties.
S’il n’y a pas de lois écrites, il y a bien des coutumes et des règles. Et l’une des plus importantes est la discrétion. Quant à moi, on va me détester quand on saura que j’ai osé parler des catas dans Le Chiffon… Mais ça m’est égal : il y a 300 kilomètres de galeries, ce n’est donc pas la place qui manque.
Si les lieux sont parfois sales ou mal entretenus, ce n’est pas parce qu’il y a trop de monde, mais plutôt parce que les gens qui descendent ne prennent pas tous soin des lieux. En écrivant pour le Chiffon, en expliquant pourquoi ce lieu est beau, j’espère n’inciter personne à vandaliser ou à salir.
L’odeur de cannabis se répand. La fille tire sur son joint, avale la fumée, et raconte :
- On est tombé sur les cataflics cette nuit.
Elle expire un petit nuage et ricane :
- Ils ont rien compris ! Ha… On leur a balancé un fumi vers la librairie. Bien enfumé, les poulets. Nous on s’est bu une catabière au cabi, tranquille… Quand on les a entendus revenir, on est reparti, facile. On les entendait au bout de la galerie, et eux, ils voyaient pas à deux mètres…
Parfois, la police fait un tour dans les catacombes pour verbaliser ceux qui s’y promènent. Mais elle ne cherche pas à éliminer complètement les cataphiles, ça l’arrange bien que les lieux soient entretenus et qu’il y ait une forme de contrôle. Si la police voulait nous chasser, elle fermerait tout bonnement toutes les entrées d’un coup, et verbaliserait systématiquement… Mieux vaut une présence semitolérée de cataphiles qu’un lieu complètement fermé et obscur.
Sans compter que les cataphiles signalent des anomalies dans l’état des parois ou du ciel à l’Inspection Générale des Carrières. Si une galerie s’écroule, tout ce qu’elle porte s’écroule avec elle… Bref, les cataphiles lancent aussi des « fumis », des fumigènes faits maison, dans les galeries pour noyer les cataflics dans un épais brouillard :
- On les a bien semés. Mais ils nous ont quand même eus en murant PR…
PR est un acronyme désignant une des entrées fréquemment utilisées par la cataphiles. L’un des plus âgés commente :
- C’est tant mieux, si ils ont fermé PR ! Ça coupe un accès facile… On croisera moins de touristes !
Les touristes, ce sont les non-initiés, ceux qui n’ont pas les codes d’en bas :
- Ouais mais gros, la plaque va être rouverte fissa. Elle est fastoche à désouder et derrière y’a qu’à bourriner pour péter les briques.
C’est un jeu. La police mure une entrée ; deux semaines plus tard, les cataphiles cassent le mur. La police soude une plaque, les cataphiles la désoudent. Parfois, et là c’est plus grave, la police «injecte ». C’est à dire : laisse couler du béton dans la galerie. Ça détruit tout, et c’est irréversible. La 8.6 commence à me peser sur la vessie. Je me lève, contourne la table et m’enfonce dans la galerie. Je jette un coup d’œil en arrière : une salle pleine de bougies, vue de loin, c’est superbe. On dirait un petit cocon chaud et accueillant. Je me retourne, retrouve le faisceau blanc de la frontale. La galerie qui part sur la droite est un cul de sac, parfaite toilette. Seul quelques instants, j’entends les discussions des quatre cataphiles, au loin.
C’est quand même incroyable, qu’une telle communauté existe. Les cataphiles ont leurs règles, leur vocabulaire, leurs délires. Dès lors que l’on respecte ces règles, la convivialité est toute naturelle : partage de bières, de saucissons, de rigolades. Les cataphiles investissent leur énergie, leur temps, leur créativité dans la pierre, sans contrepartie. Une petite société qui fonctionne à peu près (du moins dans le nord du réseau, moins fréquenté), sans monnaie, lois ou police.
Et tout ça… juste sous nos pieds.
Bruno Doucet pour Le Chiffon
Illustration de Une > Bruno & Ugo
Illustration 1 > Bruno
Illustration 2 > Tract trouvé par Bruno, signé Shiro
Il faut arrêter de nous trimbaler, c’est tellement évident qu’il s’agit d’un attentat sur l’un des grands symboles de la…
Les poutres de 800 ans ne peuvent brûler et n’avaient nul besoin d’être désinsectisées, car elles sont trop dures pour…
L’article m’a plus et le devoument de ces ambassadeur de l’agriculture donne de l’energie
Merci pour l’info nous dormirons ce soir moins ignorant .… l’état des mensonges !!!
Au quartier général de la Mafia Kop Vert, groupe de supporters de la JSF Nanterre, un dimanche de septembre, 14 heures :
- Quelqu’un reprend du saucisson ? Il faut le finir… Allez ! Va falloir décaler !
- Eh, ça va, Micka, on a bien le temps de finir notre pastis tranquillement ?
- Tu le finiras devant le stade, le pastis ! Le match commence dans deux heures, il faut encore qu’on y aille et qu’on mette tout en place…
- Ok, passe le saucisson alors, je vais le tuer ! Flo ! Viens, on se pose un peu sur ta caisse pour finir le pastaga !
Grand remue-ménage. Le fils d’Alexandra court avec des sacs-poubelle, David rassemble les gobelets, Flo cherche son portable, Marco finit le saucisson.
Au milieu de ce joyeux bordel, un bébé dort dans une poussette. Très vite, les tables sont lavées, les déchets triés, les gobelets rincés. Dehors, la pluie commence à tomber sur les tours de béton grises de Nanterre. Mais ici, dans un petit préfabriqué couvert de graffs colorés, une voix s’élève :
- J…S…F…N….
Une vingtaine d’autres se joignent immédiatement à la première :
- On chante pour toi… On se casse la voix… Où tu es, nous sommes là…
Puis, tintamarre prodigieux. Des pieds tapent le sol et des mains les tables tandis que les voix chantent à tue-tête :
- … Et c’est la M‑K-V… C’est la M‑K-V… C’est la M‑K-V !
Le chant retombe, Micka annonce :
- C’est bon, on a tout ? Tout le monde a pris son T‑shirt ?
Et Alexandra complète :
- Vous pourrez toujours les prendre au Palais, sinon ! Mais vérifiez que vous avez bien votre abonnement et n’oubliez pas de signer la pétition !
Un enfant arrive avec un stylo :
- Allez ! Donnez-moi des autographes !
Une fois les signatures collectées pour demander un agrandissement des locaux, la troupe se met en route. Mêmes T‑shirts noirs floqués du logo de la MKV, mêmes écharpes vertes, rires joyeux, notes chantées, pastis engloutis.
En route vers le Palais des Sports Maurice Thorez, où l’équipe de basket de Nanterre joue son premier match de la saison de Pro A dans moins de deux heures.
En chemin, Micka, un supporter nanterrien de 27 ans et fondateur du groupe, explique ce qu’est la MKV :
« Pour faire court, la Mafia Kop Vert, c’est une grosse bande de potes qui a pour but de mettre le feu à la salle. Le groupe Mafia Kop Vert, c’est une fusion de deux groupes de supporters : La Mafia Verte et la Dunky Family. La Mafia, c’était surtout moi et mes potes, au début. La Family, c’était une association créée par Alexandra. L’asso’ s’occupait du costume de la mascotte, Dunky, et invitait des gens au stade. C’était une asso’ avec des buts sociaux, pour les gens qui n’avaient pas les moyen d’aller au stade par eux mêmes. »
Alexandra et moi, on a fait connaissance pendant les matchs et on s’est super bien entendus. Pour te dire à quel point c’est vrai : aujourd’hui, c’est la marraine de ma fille ! On a décidé de fusionner les deux groupes, et d’appeler ça la Mafia Kop Vert !
Là, je vais attaquer ma treizième saison dans les tribunes du Palais. Quand j’ai commencé à aller voir des matchs, pendant la saison 2006–2007, la JSF (le club, aujourd’hui Nanterre 92, s’appelait alors JSF Nanterre, pour Jeunesse Sportive des Fontenelles de Nanterre) était encore en Pro B. Mais cette saison là, on a été en finale de coupe de France, à Bercy… J’ai kiffé, j’ai pris goût, et depuis je ne rate pas un match.
A la base, je suis un ancien du Parc (Parc des Princes, stade du Paris-Saint Germain). J’y étais même abonné… mais je n’y suis plus allé depuis le 15 mai 2010. Je me souviens bien de la date, parce que c’était ce fameux match contre Montpellier : le dernier match avant la décision étatique de dissoudre les associations de supporters.
J’étais encarté dans une asso’ qui s’appelait la Grinta, en tribune Auteuil, chez les rouges. Donc bref, il y a eu ce dernier match contre Montpellier, et c’était bizarre parce qu’on savait que ça allait être notre dernier match avant la dissolution forcée de la Grinta.
La saison d’après, en 2011–2012, lors du premier match de championnat de Ligue 1, j’avais participé à une manifestation. C’était une manifestation pacifique de plusieurs associations de supporters pour contester ce qui avait été appelé le « Plan Anti-Violence ».
Nous, on était là pour contester la dissolution des assos’, qui venait détruire la passion de centaines de personnes.
Mais on était pas très nombreux, non violents d’ailleurs, et on a tous fini au poste. On était 200 à peu près. Donc moi, j’ai été interdit de stade pendant 6 mois. L’interdiction valait pour tous les matchs du PSG. On était tous fichés, listés. Je devais pointer tous les jours de match au commissariat. Et pour la petite histoire, vu qu’à cette époque j’allais déjà à Nanterre, et que parfois il y avait match de Nanterre en même temps que match du PSG, j’allais pointer au commissariat de Nanterre pendant la mi-temps !
En tous cas, l’interdiction, pour nous, c’était vraiment une décision abusive de la part du gouvernement. Normalement, il doit y avoir un jugement, mais il n’y en a pas eu. Si tu veux mon explication, c’est que la France voulait accueillir l’Euro 2016 et mettre tout le monde dehors avant. Je sais pas si t’avais suivi, un mec de Boulogne (tribune d’extrême droite du Parc des Princes) avait été tué cette année là. Il y a des cons hein, je dis pas le contraire !
Donc pour moi, la France voulait montrer qu’elle agissait contre la violence par un geste fort. Bref, depuis, j’ai pas essayé d’y retourner, mais j’ai des potes qui y sont retournés et ils ont eu des problèmes.
Ici, c’est complètement différent. Quand on a commencé à aller au Palais, on aurait jamais pensé que Nanterre atteindrait ce niveau là. Le club a pris beaucoup d’ampleur, les supporters aussi. Au début, j’y allais toujours juste avec une bande de quatre ou cinq potes… D’ailleurs, sur les quatre ou cinq du début, je suis le seul à toujours aller aux matchs, c’est les aléas de la vie. Mais c’est encore mes potes !
Bref, je suis resté engagé, alors que j’ai aussi mon boulot et mes deux enfants. Mais je sais que j’ai un rôle à jouer, et que si je ne suis pas là, c’est pas pareil. Par exemple, c’est moi qui lance les chants et qui tape le rythme au tambour. En tout cas, avec le temps, mes potes et moi avons créé la Mafia Verte. Le fait d’avoir créé l’association, c’était un vrai kiffe, mais ça nous a aussi obligés à prendre des responsabilités.
A force de mettre de l’énergie dans l’asso’, ton but, c’est aussi d’être reconnu. C’est sympa quand les supporters des autres équipes disent « Ah, à Nanterre, il paraît que vous avez une bonne ambiance » ! On s’est fait un nom. Et c’est une fierté.
Après, les exploits du club, les titres gagnés, les parcours en coupe d’Europe, les moments exceptionnels qu’on ne peut vivre qu’à Nanterre, on s’y attendait pas. Il n’y a qu’ici que tu peux vivre ça, vu la proximité avec le staff et les joueurs. Et puis, bien sûr, il y a toutes les amitiés qui se sont créées avec les gens de la tribune. C’est devenu une petite famille.
D’ailleurs, Nanterre, c’est un club qui fonctionne avec beaucoup de travail bénévole. C’est le deuxième club avec le moins de salariés de Pro A. C’est aussi pour ça que je dis que ce club, c’est une famille. C’est devenu une entreprise très tardivement. Pour te donner un exemple : Jean Donnadieu (Président du club, père de l’entraîneur Pascal Donnadieu), c’est mon voisin. On habite dans le même immeuble. C’est petit, Nanterre !
Du coup, Nanterre est assez proche de ses sous. Pour le dire franchement, le club est en dèche financièrement. Nanterre est toujours dans la dèche, donc sportivement, le club ne gagnera pas grand-chose. L’essentiel de l’argent vient des actionnaires.
Quand tu compares aux autres clubs français qu’on retrouve en Play-Offs (voir l’encadré), il n’y a pas grand-chose : Monaco, ça appartient à un ukrainien, au Paris Basket ou à l’ASVEL (club de Lyon-Villeurbane), il y a des investisseurs…
Pour l’anecdote : Levallois s’est associé avec Boulogne. C’est juste à côté, il y a une grosse rivalité avec Nanterre. Pour cette année, ils ont 8 millions d’euros de budget, alors que Nanterre, c’est 5 millions. Et ça, alors qu’on a fait un quart de finale de Champions League et une super saison… Mais Boulogne, c’est une ville riche, donc le club est riche (voir l’encadré).
Il y a toujours eu un plan d’avoir un grand club de basket à Paris : ça sera la Paris Basket. Ce club a été créé en 2018 par un américain et a racheté les droits sportifs de Hyères Toulon, qui était en faillite, pour être propulsé directement en Pro B. C’est un club monté de toutes pièces. En ce moment, ils jouent à la Halle Carpentier, mais il y a un stade en construction à la Porte de la Chapelle, à Bercy 2. Ça fera 8 à 10 000 places, c’est sûr que le Paris Basket va monter en Pro A… Un club monté de toutes pièces comme ça, c’est clair que c’est pas ma came !
En tous cas, ce qui est sûr, c’est qu’en région parisienne, il n’y a qu’à Nanterre qu’il y a une ambiance comme ça. Si tu regardes le Racing au rugby par exemple, c’est une ambiance très froide. Et le PSG, j’en parle même pas.
Arrivée au stade, la petite troupe reprend place dans sa tribune, qui se remplit lentement, au gré des : « Eeh, t’as bronzé, toi ! » et des « Ça va ? Ça fait longtemps ! ». Des dizaines de mains rassemblent puis déchirent méthodiquement les publicités distribuées sur chaque place, pour en faire des confettis. La fête est parfaite, le match et la saison peuvent commencer…
Pourvu que Nanterre reste, le plus longtemps possible, ce lieu où le sport prend tout son sens ; ce lieu où le sport créé des amitiés, lie des inconnus, donne du sens, des responsabilités, de la fierté, ce lieu où l’on festoie ensemble, peu importe qui l’on est !
Quels investisseurs à Monaco, à l’ASVEL, à Levallois ?
Dans le sport professionnel, les clubs sont parfois des entreprises plus que des équipes. L’entreprise avec la plus forte capacité d’investissement a aussi les meilleures chances d’écraser la concurrence, ce qui peut faire d’elle un business rentable. En France, quelques équipes ‑pardon, quelques entreprises- ont su judicieusement se doter de présidents fortunés, qui viennent augmenter le capital du club pour lui permettre de performer :
- A Monaco, l’obscur Sergueï Dyadechko, homme d’affaires ukrainien d’une quarantaine d’années ayant fui l’Ukraine après une tentative d’assassinat sur sa personne et assistant aux matchs en gilet pare-balles, finance le club depuis 2013. Pour la saison 2019–2020, l’AS Monaco dispose d’un budget prévisionnel de 9 millions d’Euros et d’une masse salariale de 3,6 Millions d’Euros.
- Le club de Lyon-Villeurbanne, l’ASVEL, a vu arriver en 2009 un certain Tony Parker (ex-joueur de l’équipe de France et des San Antonio Spurs), désormais actionnaire majoritaire du club. Nicolas Batum (joueur de l’équipe de France et des Charlotte Hornets) l’a récemment rejoint. Grâce à eux, le budget de l’ASVEL s’élève à 11 millions d’Euros (3,5 millions de masse salariale).
- Boris Diaw (ex-joueur de l’équipe de France et des San Antonio Spurs) est venu renforcer en 2019l’organigramme et le compte en banque de Boulogne-Levallois, dont le budget dépasse aujourd’hui les 7 millions d’euros.
Bruno Doucet pour Le Chiffon
Photo de Une > Tribune du Palais des Sports Maurice Thorez, image publiée par la Mafia Kop Vert
Photo 2 > Autocollants du groupe, image publiée par la Mafia Kop Vert.
J’ai honte de mon pays et au premier chef de ses gouvernants ! Comme par hasard un simple mégot aurait…
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